ENGINEERINGNET.BE - «Les opportunités sont souvent saisies en amont d'un projet», explique Kris Neyens. Il est depuis fin juin 2021 Logistics & Hyperloop Theme Manager au VIL, le cluster flamand fer de lance de la logistique. Si vous montez dans le train trop tard, les choix technologiques sont établis et «il ne vous reste plus alors qu'à aller cueillir des pâquerettes.»
La vision standard de l'hyperloop est qu'il s'agit d'un réseau de vide léger entre les villes et les aéroports sur lequel des capsules circulent sur un coussin magnétique sans friction. Les villes et les ports maritimes n'étaient pas le point de départ. La connexion de grands pôles industriels ne l'était pas non plus. «Mais nonobstant l'usage des avions, il serait dingue, dans une économie ‘on demand’ de ne pas utiliser cette capacité pour les marchandises», estime Neyens. Cependant, il remarque que tous les pionniers de l'hyperloop supposent qu'il ne concerne principalement que le transport de passagers. Des arguments environnementaux sont mis en avant. L'hyperloop fonctionne électriquement et il est donc par définition ‘propre’, alors qu'il n'existe toujours pas de solutions exemptes d'émissions dans l'aviation.
«La plupart déclarent également qu'il n'y a pas de demande de mobilité rapide pour le transport de marchandises. Si les conteneurs sont en route depuis l'Asie pendant six semaines, la valeur ajoutée d'un dernier kilomètre ultra-rapide est en effet dérisoire. Cependant, il y a une différence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. En réalité, tous les grands acteurs pensent au transport de marchandises.» Alors que certains parlent d'un réseau de 10.000 km entre les villes et les aéroports, les pistes d'essai font à peine plus de 350 m de long où la technologie n'est en fait testée qu'à moitié.
«Tout cela reste encore très théorique», admet Neyens.
Initiatives liées au transport de passagers
Les hyperloops disposent généralement d'une capsule appelée ‘pod’ qui trouve automatiquement son chemin dans un réseau de tubes maintenu à basse pression. Virgin Hyperloop effectuait des tests à 100 Pa et moins. Les vitesses élevées prévues (1.000 km/h) sont rendues possibles par l'installation de moteurs linéaires. La technologie de lévitation magnétique prévient le contact avec les pistes ou la route. Le pod n'a donc aucune résistance au roulement et la faible pression dans le réseau limite également la résistance de l'air. L'espagnol Zeleros (Valence) adopte une approche différente. Il intègre à la fois la technologie de propulsion et de lévitation dans le pod/la capsule en mouvement. Une tentative non seulement d'être moins cher mais aussi dans l'espoir de faciliter toutes sortes de certifications en cours de route.
Car au final, ce sont les technologies ‘connues’ de l'aéronautique qui seront utilisées plutôt que celles de l'aérospatiale. Bien évidemment, la technologie promet également d'autres avantage: un fonctionnement silencieux, plus écologique, un opex moindre ... L'américain Hyperloop Transportation Technologies (HTT), a ouvert en 2017 son centre de R&D à Toulouse en France. Deux ans plus tard, sa piste d'essais passagers de 320 m était prête. Le porte-flambeau d'HTT est son contrat pour mettre en place un premier système commercial à Abu Dhabi. À commencer par un tube de passagers de 5 km et un centre d'expérience.
Initiatives de transport de marchandises
À Hambourg cependant, HTT s'engage pour l'HyperPort en collaboration avec l'opérateur de terminaux Hamburger Hafen et Logistik AG. L'accent ici est plutôt mis sur le port et le fret. Une capsule Hyperport déplace deux conteneurs de 20 pieds ou un conteneur de 40 ou 45 pieds. Avec un tube de 6 m de diamètre, même deux conteneurs peuvent être empilés l'un sur l'autre ... HTT opte pour la lévitation magnétique passive entraînée par un moteur à induction linéaire. La capsule est livrée avec des batteries rechargeables intégrées. Le Centre Européen Hyperloop de Hardt Hyperloop vise à réaliser une piste d'essai de 2,6 km de long près de Groningue. Avec un diamètre de tube de 1,4 m, le transport de marchandises est probablement envisageable. Zeleros prévoit une piste d'essai de 3 km de long.
«Sur une telle distance, des vitesses de 500 à 600 km/h sont atteignables. Ensuite, on peut allonger les pistes et aller encore plus vite.» Les premières applications commerciales seront annoncées d'ici la fin de la décennie.
«Mais cela nécessite déjà de commencer le processus d'agréation.» Selon Neyens, cela prendra plus de temps. «Les premières applications seront des applications de cargo, car c'est une carte plus facilement jouable en termes de sécurité. De cette manière, la technologie peut aussi être valorisée plus rapidement.»
La technologie magrail passive ‘hybride’ de Nevomo pourrait être déployée bien avant les technologies hyperloop caractéristiques. Comme le japonais SCMaglev, Nevomo souhaite utiliser ce qu'on appelle la sustentation électrodynamique (EDS). La sustentation ici est plutôt un effet de l'appareil en mouvement. Avec sa lévitation magnétique passive, le Magrail atteindrait 550 km/h sur des voies ferrées classiques. C'est différent du Transrapid, le train à sustentation développé par Siemens et ThyssenKrupp. Il fait usage d'électro-aimants ‘actifs’ (requérant une alimentation) sur la capsule et la voie. Nevomo a récemment posé une piste d'essai de 750 m de long, financée en partie par le FEDER.
Europe
Il y a beaucoup de technologie sur les bancs d'essai. Mi-septembre, Neyens participait à la première conférence hyperloop à Francfort. Il y reconnut, malgré la multitude des technologies, une tendance générale à l'élaboration de normes. Keir Fitch, chef de l'unité Rail Safety & Interoperability à la DG Move de la Commission européenne, a déclaré que de nombreux développements valent la peine «mais que nous aimerions passer à une bande passante plus étroite.» Y aurait-il un jour un système hyperloop européen ? La stratégie de mobilité de l'UE est motivée par le besoin de durabilité et est bornée par le Green Deal européen. D'ici 2030, le trafic des trains à grande vitesse à travers l'Europe devrait doubler et d'ici 2050, un réseau transeuropéen de transport à grande vitesse (RTE-T) devrait être pleinement opérationnel.
Hyperloop est mentionné une seule fois dans sa stratégie de mobilité durable et intelligente de décembre 2020. Ceci dans une liste des technologies de mobilité à venir qui changent la donne, outre les drones, les véhicules autonomes, les avions à hydrogène, les avions privés électriques et les navires ... «Bien des acteurs mondiaux sont sur les start-blocs en Europe, mais des normes sont requises pour créer un cadre pour les permis», explique Neyens.
Cependant, tous les acteurs ont leur propre agenda. Cela n'empêche pas que nous pouvons travailler ensemble. En 2018, quatre sociétés hyperloop (Hardt aux Pays-Bas), Zeleros, TransPod (canadien mais avec des filiales en Italie et en France) et Hyper Poland ont mis en place un consortium pour définir et standardiser les hyperloops sous vide pour les passagers et ainsi développer une méthodologie dans un cadre réglementaire. Ils réussissaient à ériger le comité technique conjoint JTC 20 en février 2020 dans le cadre du Comité européen de normalisation (CEN) et du CENELEC. Ceci en vue de codifier des normes communes pour réglementer les déplacements en hyperloop et afin d'aboutir à une interopérabilité et à des normes sécuritaires accrues à travers l'Europe.
Rester à l'affût
En juin, la ministre flamande de l'Innovation Hilde Crevits a chargé le VIL d'étudier les opportunités pour l'hyperloop en Flandre. Plus tôt, en 2019, une étude commandée par Vlaio a cartographié les opportunités de l'hyperloop pour l'industrie flamande et les institutions du savoir. «Il devient également de plus en plus clair que si nous développons une technologie en Europe, elle sera de grande valeur et de portée mondiale.» Les opportunités pour les partis flamands et la demande des développeurs de technologie hyperloop se situent dans le domaine du composite, de l'IdO ...
«Mais y aura-t-il un jour un hyperloop en Europe même ? Plus d'opportunités se profilent peut-être à l'étranger. Si nous pouvions jouer un rôle de premier plan dans certains aspects de cette technologie, volontiers. Nous discutons avec Agoria, SIM (cluster fer de lance des nouveaux matériaux), les instituts de recherche et les entreprises pour savoir où il y a des opportunités. Seulement, la technologie de base pour ce faire (moteurs linéaires, lévitation ...) est déjà en développement depuis 6 ans chez les majors de l'industrie. Nous arrivons comme les carabiniers dans ces domaines.»
Exercices d'ingénierie
Entre-temps, l'hyperloop est une source de motivation solide pour les exercices d'ingénierie et les collaborations de toutes sortes. L'Hyperloop TT, qui emploie 800 personnes sur cinq continents, a développé un matériau d'enrobage intelligent (le vibranium) pour la coque de sa capsule hébergeant 28 à 50 personnes. Des capteurs sont intégrés dans le matériau entre les fibres de carbone pour transmettre toutes sortes de données en temps réel. L'équipe de développement hyperloop de Safran Landing Systems, forte en trains d'atterrissage d'avions, fédère actuellement trois technologies qu'elle peut par la suite proposer aux hyperloopers: freinage électrique, rentrée et sortie du loop électrique ou du train de roues. De grosses sommes sont en jeu dans ce monde-là. En Europe, il ne s'agit que d'une fraction de ce que les majors collectent en Amérique. Et pourtant.
«Nous constatons un manque de connaissance dans la chaîne d'approvisionnement et la logistique des marchandises. La vitesse est une donnée relative. Quel est l'impact des mégatendances ?» Pensons à la relocalisation (‘reshoring’) locale ou de proximité (‘nearshoring’). Mais aussi à d'autres méthodes de production. «Une étude socio-économique plus large est requise, basée sur une approche en réseau. En effet, l'on parle invariablement d'un réseau hyperloop, mais entre-temps, seules des études relatives à des relations point à point ont été publiées. Quel est l'impact d'un tel réseau ? Pour les villes. Pour les hubs de distribution ? Qu'est-ce que cela signifie au niveau du commerce ? Est-ce qu'un tel réseau peut-il aussi se construire dans le respect de l'environnement ?» se demande Neyens. Du pain sur la planche pour le VIL donc.
Par Luc De Smet
Kadertekst: Hyperloops et … tunnels
Robert H. Goddard imaginait le ‘vactrain’ en 1904. Plus tôt encore, le Britannique George Medhurst imaginait de voyager dans des tubes à vide. Mais c'est Elon Musk qui a lancé le concept hyperloop contemporain en 2013. L'idée a fait le tour du monde comme un boulet de canon. Le SpaceX de Musk en 2015 a prêté main-forte en organisant la compétition Hyperloop Pod pour les étudiants et les entreprises, ce qui a fait déployer les ailes de pas mal de start-ups. Pour mémoire: Le Néerlandais Delft Hyperloop a gagné. Dans la même veine, Musk a organisé la ‘Not-A-Boring Competition’ à Las Vegas à la mi-septembre.
L'objectif est de stimuler les percées technologiques en matière de forage de tunnels. La mission consistait à forer à l'aide d'une foreuse de construction propre et d'un contrôle de précision un tunnel de 30 m de long au diamètre d'un demi-mètre et de surface lisse. Le forage de tunnels et l'hyperloop peuvent avoir quelque chose en commun, a déclaré Musk, dont la société Boring fait de l'intégration verticale. L'équipe Swissloop Tunneling (ETH Zurich) a remporté le trophée de l'innovation et du design. Le meilleur système de commande est issu de l'Université technique de Munich, également primée grand vainqueur.