ENGINEERINGNET.BE - Les aliments, les équipement, les matériels et les vaccins doivent encore toujours arriver sur place. En outre, il est plus tentant que jamais de passer une commande en ligne d'un simple clic de souris pour avoir son colis à sa porte le lendemain. Le secteur de la logistique connaît un sérieux engouement pour répondre à la demande croissante des clients (travailleurs à domicile).
Et pourtant, saviez-vous que 20% des camions sur nos routes ne transportent que de l'air et que les 80% restants sont chargés à environ 56%? Saviez-vous qu'une grande partie de la circulation des marchandises suit le même itinéraire sans utiliser pleinement la capacité des modes de livraisons ? Chaque entreprise de transport utilise également sa propre méthode de planification, ce qui rend la collaboration difficile et accroît le nombre de livraisons. En outre, il reste encore un long chemin à parcourir pour arriver à une circulation plus verte.
Alors que l'on assiste à une diminution des émissions de gaz d'échappement dans d'autres secteurs (via l'électrification …), le secteur des transports est aux prises avec une augmentation. Cela est dû au fait qu'une grande partie du trafic de marchandises est assurée par des camions. Leur part augmente, tandis que l'utilisation de moyens de transport plus respectueux de l'environnement tels que la navigation intérieure et le chemin de fer reste stable.
L'Internet Physique, qu'en est-il ?
Ce sont quelques-uns des défis que l'Internet Physique veut relever. Le projet Physical Internet Living Lab (PILL) a été lancé début 2021. Physical Internet signifie l’Internet Physique. C'est un concept très innovant d'organisation alternative des processus logistiques. C'est la vision de l'avenir sur la manière dont nous pouvons organiser la logistique de manière efficace, flexible et plus durable. Pour le développement de PILL, imec, VUB Mobi et VIL ont conclu un partenariat. L'Agence Innovation & Entrepreneuriat (VLAIO) apporte un soutien financier au projet. Le projet PILL se déroulera jusqu'en 2023 et portera sur l'écosystème des ports.
Efficace de l'origine à la destination
« L'Internet Physique intègre le concept d'Internet digital au secteur des transports. De la même manière qu'un e-mail utilise toute la capacité du réseau pour passer de l'expéditeur au destinataire, les marchandises doivent utiliser toute la capacité de l'infrastructure », explique Tomas Ambra, directeur d'études logistiques chez imec.
« Lorsque vous envoyez un e-mail, le fournisseur d'accès ou l'appareil que vous utilisez n'a aucune d'importance. En principe, c'est aussi ainsi que cela devrait fonctionner pour amener les marchandises de l'origine à la destination. Cela garantirait, par exemple, que le trafic congestionné sur les autoroutes pourrait être éludé en détournant le fret par les voies navigables ou le ferroviaire.
Cependant, la simple copie du modèle digital n'est pas une option. Il y a encore des différences notables. Parce que pour transférer des marchandises vers un autre mode de transport, il faut prendre en compte les coûts supplémentaires pour le traitement du fret dans les terminaux et les formalités administratives supplémentaires lors du franchissement des frontières nationales. »
De nouvelles opportunités grâce au synchromodal
Les défis actuels du secteur de la logistique requièrent une approche radicalement nouvelle. L'Internet Physique vise à éluder la sous-utilisation des capacités et d'autres inefficacités en interconnectant les réseaux de transport et en transportant de la manière la plus optimale les marchandises de l'origine à la destination. Le concept de transport synchromodal est crucial à cet égard. Cela signifie que l'on peut utiliser différents modes de transport de manière flexible.
De cette manière, l'on offre au fournisseur une solution intégrée pour transporter les marchandises d'un point A à un point B. La synchromodalité est liée au multimodal (l'utilisation de différents modes de transport). Elle est complétée par des informations contextuelles afin de permettre le choix du meilleur mode de transport sur la base d'informations en temps réel. Par exemple, si le niveau d'eau est trop bas, un conteneur est acheminé vers le transport routier ou ferroviaire. S'il y a un embouteillage, les conteneurs sont transférés vers la navigation intérieure ou le ferroviaire.
La transition vers des transports plus durables
« Nous envisageons également le développement et la réalisation de l'Internet Physique pour permettre la transition vers un transport plus durable à l'avenir. Et cela s'imposera car dans les années à venir, nous nous attendons à une augmentation de 25% du trafic de fret. Si ces 25% supplémentaires se retrouvent également sur la route, la situation en Flandre deviendra intenable », déclare Ambra.
L'Internet Physique se concentre sur cette augmentation attendue dans le secteur des transports. Rendre tous les camions électriques ne résout qu'une partie du puzzle, car il y aura toujours un énorme volume de trafic de fret routier. Bien que l'attention portée aux carburants verts et à d'autres alternatives durables reste nécessaire, cela ne suffira pas à long terme. Une meilleure intégration des moyens de transport par laquelle le trafic routier est lié aux voies ferrées et fluviales constitue un complément sine qua non.
De la théorie à la pratique
Jusqu'à présent, l'Internet Physique n'était qu'un concept théorique. Dans le nouveau projet PILL que l'imec coordonne, l'accent est pour la première fois mis sur l'élaboration pratique du concept en mettant l'accent sur le trafic portuaire. Le premier défi est de faire la transition vers un environnement exempt de papier. La digitalisation rendra les processus logistiques plus rapides, plus faciles et plus efficaces. En outre, les e-documents sont essentiels pour optimiser les flux de travail.
L'on dispose notamment d'un aperçu de divers paramètres, tels que l'emplacement et la destination du conteneur, soit encore la température ou l'humidité requises. C'est pourquoi, dans le cadre du projet PILL, l'imec développera le premier prototype informatique de l'Internet Physique pour une plateforme logistique telle que le port d'Anvers et de Zeebruges. L'objectif est de développer un système basé sur des documents et des données de capteurs numériques. Le transport peut ainsi s'organiser de manière transparente en proposant l'itinéraire optimal au travers de réseaux de transports intermodaux, quel qu’ils soient. Les données capteurs seront converties en systèmes virtuels.
Le ‘cerveau’ du système est un soi-disant ‘jumeau numérique’, c’est-à-dire une copie digitale du port. Il intègre toutes les données et permet de se connecter à un environnement virtuel exempt de risque pour le monde réel. Dans une prochaine étape, l'organisation du transport sera également automatisée pour répondre de manière flexible aux changements en temps réel de la capacité (de chargement) ou de l'infrastructure.
Un terrain d'expérimentation vivant
Dès qu'un prototype informatique existera, il sera notamment validé dans un Living Lab, un environnement de test vivant. Cet environnement crée l'opportunité de tester différentes interactions dans des situations réelles. Pour ce projet, par exemple, une architecture informatique est conçue avec des données de capteurs et de fret existantes du port d'Anvers et de Zeebruges. Les autorités portuaires valideront les interventions proposées et l'architecture informatique.
Le port et ses terrains annexes sont un environnement de test parfait pour l'Internet Physique, car il réunit un grand nombre d'entreprises disposant d'autant de silos avec leur propre système. L'Internet Physique peut connecter tous ces process. Il peut devenir une plate-forme où n'importe quelle entreprise peut s'abonner/se désabonner.
Du fait qu'il s'agisse de la première élaboration pratique de l'Internet Physique, le projet PILL veut se concentrer sur l'écosystème des ports. Cependant, cela pourrait être le point de départ d'un déploiement plus large en Flandre, en Europe, et finalement dans le monde.
Vers de nouveaux modèles d'entreprises logistiques
Liesbeth Geysels, directrice générale du VIL y voit des opportunités : « L'IP ouvre la porte à d'innombrables nouveaux modèles d'affaires logistiques dans lesquels un système informatique global offre aux prestataires de services logistiques des opportunités en termes de collaboration et d'utilisation plus efficace du personnel, des actifs et de la capacité de transport disponibles. En conséquence, il contribuera de façon majeure à la réduction des coûts logistiques, à la durabilité du secteur de la logistique et à l'augmentation du niveau de service. »
La Prof. Cathy Macharis, coordinatrice du groupe de recherche MOBI à la VUB, souligne le caractère durable du projet : « Une transition du secteur des transports est requise pour atteindre les objectifs climatiques. Ce faisant, nous devons nous atteler à la suppression des kilomètres inutiles. Par exemple, en nous concentrant sur les chaînes logistiques courtes et sur l'économie circulaire, sur le passage à des modes de transport respectueux de l'environnement tels que la navigation intérieure et le rail et à rendre verte la technologie des véhicules.
PILL y répond en utilisant au mieux la capacité disponible, en évitant ainsi le transport d'air et en exploitant au maximum une transition modale ou modal shift lorsque c'est possible. »