ENGINEERINGNET.BE - Deux brevets couvrent la technologie : le procédé proprement dit et la méthode permettant de contrôler volumétriquement l’extrusion des métaux liquides. Fondée en 2016, ValCUN se consacre, une décennie plus tard, aux applications industrielles spécifiques. L’entreprise a construit sa première imprimante Minerva avec la collaboration matérielle et logicielle de l’entreprise autrichienne SIGMATEK Automation (commande servo PLC) et le soutien de Sigma Control (Barendrecht). La programmation a lieu avec le logiciel d’ingénierie LASAL. « Pour imprimer de l’aluminium, il faut une température de fonctionnement comprise entre 700 et 950°C dans la tête d’impression en céramique. » L’imprimante laisse des traces standard de 1,5 à 2,5 mm.
Diverses buses sont possibles. « Nous pouvons atteindre une épaisseur de paroi de 0,5 mm. » Pour démontrer l’évolutivité de la technologie vers le haut et vers le bas, des impressions ont été réalisées avec une buse de 7 mm et un fil de 1,2 mm. « L’extrusion est contrôlée. » Il y a des idées pour des traces variables avec une seule et même buse, mais cela dépend de la demande et des priorités du marché. L’imprimante, qui passe par une porte standard, nécessite 1.500 watts de puissance. Une prise de courant suffit. Les premières imprimantes sont opérationnelles chez des clients comme Sirris et la John Hopkins University. Depuis janvier 2025, ValCUN occupe 500 m2 dans le parc industriel de Wondelgem. Sept personnes y travaillent, elles seront neuf après l’été.
Têtu
« Je suis né avec une clé à molette dans les mains. À la maison, tout ce qui était cassé passait par moi », déclare Jonas Galle en riant. Son premier petit projet en mécatronique est une alimentation. « Je voulais comprendre le fonctionnement. » Puis une machine CNC. L’aérospatiale et les systèmes de propulsion le fascinent également. Il s’intéresse à l’astrophysique, et devient naturellement ingénieur. Ingénieur civil – axé sur la théorie ou la technique et la pratique ? « Je voulais les deux. » Il choisit le génie civil, malgré les avis contraires de certaines personnes. « Je ne suis pas particulièrement intelligent mais je suis têtu et persévérant quand je veux atteindre quelque chose. » Pendant les week-ends et les vacances, il bricole. En fin de la première année, ses camarades font un pari sur le nombre d’examens que chacun doit repasser. Jonas avait déjà réservé ses vacances et travaillé dur. Il réussit du premier coup. « La motivation est plus importante que l’intelligence. On peut tout faire si on s’y met vraiment. »


En 2010, l’ingénieur en mécanique commence son doctorat dans un local au sous-sol de l’université, et travaille sur un dispositif d’injection de biocarburants pour les moteurs diesel marins (avec ABC Gand). Parallèlement, il travaille sur son hobby: le développement d’un nouveau type de moteur-fusée. Le week-end, il suit les performances de son moteur dans une configuration optique. « Mes premiers pas vers l’impression 3D. » Il tourne et fraise lui-même ses pièces à l’université. La légèreté exige de l’usinage. « Parfois, je passais une semaine sur une pièce. » Il se passe des professeurs, jusqu’au jour où il a besoin d’une autorisation pour obtenir une quantité concentrée de peroxyde d’hydrogène pour le carburant. Il obtient la signature et présente un article sur son projet de moteur-fusée lors d’une conférence en Crète. Un second article paraît plus tard lors d’une conférence mondiale de SAE-international. « Tout était lié à mon doctorat. »
Pour les expérimentations de buses de son hobby, il construit une fraiseuse à six axes et se demande pourquoi c’est si coûteux et si complexe. Pourquoi ne pas imprimer directement du métal, comme avec le plastique ? Une telle machine n’existait pas. Pourquoi ne pas la fabriquer ? « Personne n’a pu me donner une raison valable pour laquelle cela ne fonctionnerait pas ». Nous étions en 2013. « Après mon doctorat, je devais ‘vraiment’ commencer à travailler », dit-il en riant. Il entre chez Verhaert. En tant qu’ingénieur en physique appliquée & process, il réalise diverses tâches, de la génération d’idées au prototypage.
« Autant de travaux innovants et stimulants, pertinents pour l’industrie. » Mais il a toujours son idée d’imprimante 3D en tête. Les collègues lui conseillent de soumettre un projet VLAIO. « Je ne suis qu’un bon bricoleur » se disait-il, mais cela ne l’a pas arrêté. Il rédige un dossier pour une étude de faisabilité, qui est approuvé. Son projet démarre fin 2016 et se poursuit jusqu’en février 2018. La date de lancement correspondait à la date de la fondation officielle de ValCUN.
« J’ai commencé à travailler en 4/5e. » En juin 2018, il démissionne. « J’avais de quoi survivre pendant un an et j’ai tout misé sur cette carte. Je préférais ça plutôt que de continuer à piétiner, à perdre du potentiel et le regretter plus tard. »

Développer la technologie
L’idée initiale consistait à faire passer un fil d’aluminium fondu dans une buse. Un courant électrique supplémentaire devait assurer ensuite l’adhérence finale à la couche sous-jacente. « Un ‘détail’ n’était pas réalisable physiquement. On peut imprimer du titane ou de l’acier avec ce courant mais pas l’aluminium. La température de l’aluminium qui sort de la buse peut en effet dépasser les 2.500°C. « A cette température, l’aluminium s’évapore. » Il fallait donc repenser le concept. La nouvelle idée consiste à faire fondre l’aluminium dans la tête d’impression, à le déposer puis à ajouter de l’énergie supplémentaire pour réaliser la fusion avec la couche inférieure (par jet au plasma ou substrat chauffé). L’approche présente un réel potentiel. Plusieurs entreprises spécialisées dans l’impression 3D de polymères ont tenté l’expérience. « Stratasys indiquait dans son brevet que cela ne fonctionnait pas pour le métal. Notre brevet montre que c’est possible. Nous connaissons les problèmes qu’ils ont rencontré. Ils ont été surpris de voir que nous avons réussi. »
Jonas Galle a recherché un financement. « Mais c’était l’histoire de l’œuf et de la poule, personne ne finance quelque chose qui n’existe pas. » À l’université, il recherche une formule postdoctorale pour travailler sur son système. Un ancien camarade d’études, Jan De Pauw – aujourd’hui son cofondateur – voulait créer une spin-off sur base de son doctorat consacré à la mesure de la fatigue due à l’usure de contact. « Nous en avons discuté au café. Je venais de réaliser ma première impression en aluminium, enfin plutôt un jet. Nous avons soumis un projet VLAIO plus important, pour près d’un million d’euros ! Il a été approuvé … à condition de trouver nous-mêmes la moitié de la somme. »
C’est ainsi qu’ils se lancent – sans se verser de salaire – en négociant leur part à ne verser qu’à partir de la deuxième année. Fin de cette année-là, ils ont trouvé leurs investisseurs. À l’été de 2019, ils forment un conseil consultatif. « Nous connaissons nos faiblesses et nous les compensons en attirant des personnes plus compétentes. » Ils font appel à Jan Van Humbeeck (prof additive manufacturing KU Leuven), Wim Beazar (fondateur de Compex), Luc Boelens (expert financier), Piet D’Haeyer (CEO de Pedeo), Marc Pecqueur (autodocent & keynote speaker automotive). « Nous avons convaincu deux d’entre eux d’investir dans l’entreprise. Ils ont à leur tour réussi à convaincre trois autres investisseurs qui sont désormais membres du conseil d’administration. »
Une première levée de fonds a lieu en 2020. À l’époque, l’accent est mis sur le développement de la technologie. Au salon Formnext 2022 – la grand-messe de l’impression 3D - ValCUN présente quelques pièces imprimées. Jonas Galle aperçoit Tali Rosman, alors CEO d’Elem Additive, la filiale Impression 3D de Xerox – grand concurrent – qui avait cessé l’activité d’impression de métal en début d’année. « Je l’ai accostée et elle est venue avec son conseiller technique, Moshe Aknin, ex-Stratasys & Elem Additive. Je lui ai raconté notre histoire. Tali Rosman voulait voir la machine en action. Début 2023, nous les avons invités dans nos installations… et ils ont accepté de devenir nos conseillers experts. »

Focus
Jonas Galle et Jan De Pauw élaborent un plan pour concevoir une machine ‘commercialisable’. « Nous nous sommes lancés en mars pour présenter une machine à l’automne, à Formnext 2023. » Grâce à un financement supplémentaire, la première machine Minerva voir le jour. Elle est installée au Sirris à Charleroi depuis octobre 2024. « Cette première machine est plutôt générale, mais à terme, nous voulons proposer des machines qui s’installent dans n’importe quel atelier pour compléter les méthodes de production conventionnelles comme le fraisage et le tournage. Nous allons créer un portefeuille de machines intégrables dans une ligne, un système robotisé, … »
L’année dernière, ValCUN a vendu une machine à la John Hopkins University, qui a été livrée en avril. « Minerva est une machine économique, déployable. » Elle est adaptée à un environnement industriel robuste, facile à intégrer, consomme peu d’énergie, sans poudres inflammables ni lasers, … Le fabricant estime que sa machine peut être jusqu’à trois-quarts moins chère, voire plus, que les ‘machines à poudre’. Une impression ne nécessite pas de découpe du plateau de construction, ni de structure de support à l’impression, ni de déliantage et de frittage, etc. La grande disponibilité d’alliages métalliques sous forme de fils est un atout. Les universités et les instituts de recherche utilisent la machine pour les activités de R&D. Mais l’entreprise explore d’autres secteurs : la marine, la défense, etc. « Nous voulons nous développer sur des marchés de niche et dans des applications industrielles spécifiques. Nous ne deviendrons donc pas un fabricant d’imprimantes polyvalentes à usage général. Ce n’est pas réalisable, du moins pas avec une stratégie de croissance axée sur la mise sur le marché », explique Jonas Galle, qui estime que chaque secteur doit disposer de sa propre machine.
Fin 2023, ValCUN décroche une bourse de 2,5 millions d’euros d’EIC Accelerator (Commission UE) . « Nous travaillons actuellement sur le marché de niche des systèmes HVAC. Les ventilateurs doivent être plus efficaces sur le plan énergétique. » Une pale imprimée en 3D refroidit 10% plus efficacement, ce qui permet aux centres de données d’économiser des centaines de milliers d’euros par an sur leurs factures d’électricité », avance Jonas Galle.
ValCUN fait partie du consortium du projet européen DIAMETER et est partenaire du projet européen DoP (3D Optimised Production). « Grâce à ce nouveau financement, nous pouvons choisir de nous diversifier. » Les points à considérer sont : les coûts, les efforts de développement nécessaires et la manière d’intégrer la technologie. Il faut tenir compte des normes, des certifications, de la qualité des composants, etc. « Nous avons aujourd’hui une machine, axée sur la recherche et le développement. Nous n’avons pas encore fait nos preuves sur le plan industriel et nous n’avons pas encore montré tout notre potentiel. Je veux que la technologie soit adoptée à l’échelle mondiale. C’est mon projet et je suis déterminé à faire tout mon possible pour qu’il se développe sainement ! » (photos: LDS)
Le cœur de la propriété intellectuelle réside dans la tête d’impression
ValCUN a vu le jour après l’expiration du brevet FFF (Fused Filament Fabrication). « Je n’ai jamais lu ce brevet », déclare Jonas Galle. Aurions-nous pu tourner autour ? L’important était d’avoir une ‘liberté d’opérer’. Dès le début, Jonas Galle a travaillé avec un bureau de brevets. Le cœur de la propriété intellectuelle de ValCUN réside dans la tête d’impression et les algorithmes de contrôle. « Tout ce qui est autour, en ce compris la machine, est à la pointe de la technologie. Nous avons déjà convaincu des clients d’acheter l’ensemble de la machine mais nous vendons également la tête. D’un point de vue business, il est plus intéressant pour nous de vendre la tête. Mais ce n’est pas notre motivation principale. La machine contient des algorithmes pour optimiser le processus. Les têtes séparées nécessitent une adaptation/intégration sur mesure pour chaque client, ce qui est moins évolutif. À terme, nous visons une intégration sur un robot en tant que produit standard, éventuellement en collaboration avec un intégrateur. »
L’impression 3D dans l’espace
ValCUN a plusieurs projets avec l’ESA. « Nous sommes convaincus de pouvoir imprimer en apesanteur mais il faut le démontrer. » Dans un premier projet, ValCUN a réussi à construire un dispositif d’impression à l’envers. Dernièrement, l’entreprise a achevé un deuxième projet portant sur les alliages d’aluminium de qualité spatiale. Jonas Galle envisage maintenant un projet de suivi sur les applications des alliages d’aluminium à haute résistance. « Mais je pense qu’il faudra encore 20 ans avant de pouvoir faire de la fabrication dans l’espace. On ne peut pas en faire une activité commerciale. Les investissements nécessaires sont trop élevés. Il faut maintenant générer du revenu. »