Sirona Technologies s’implante au Kenya

La jeune Sirona Technologies construit une machine d'absorption de CO2. L'entreprise choisit de construire des modules de machines bon marché pour filtrer le CO2 de l'air libre: Direct Air Capture (DAC). Il le fera au … Kenya.

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Sustainability

( Photo: LDS )

ENGINEERINGNET.BE - «Nous allons au Kenya pour notre premier projet», confirme le PDG Thoralf Gutierrez (33 ans).

«Nous y serons opérationnels d’ici 2026 et travaillerons avec de l’énergie solaire hors réseau.» Sirona a récemment signé un accord avec Cella Mineral Storage, qui injectera le CO2 capturé dans les formations basaltiques locales, et Great Carbon Valley, un développeur de projets local qui attire les entreprises étrangères.

Leur Hub DAC vise à créer une chaîne de valeur de type cleantech le long de la grande vallée du Rift en Afrique de l’Est; il créera des emplois locaux et sera le fondement d'un secteur des énergies renouvelables.

Impacts du changement climatique 
Sirona Technologies est ancrée dans le Circularium, une initiative locale de circularité, où elle prenait son envol en juin 2023. «Nous avons lancé l'entreprise en février de l'année dernière», explique le PDG Thoralf Gutierrez (33 ans). Pendant quelques mois, l'ingénieur logiciel, co-fondateur et CTO Gauthier Limpens, ingénieur en thermodynamique, travaillaient sur leur machine dans un laboratoire de Louvain-la-Neuve.

«Mais il fermait à 16 heures.» Aujourd'hui, ils louent une salle informatique jouxtant une douzaine d'ateliers. À côté, un atelier clôturé et un laboratoire de chimie. Aujourd'hui, l'entreprise emploie neuf personnes. Un étudiant y prépare son master. «Nous voulons être à 20 d’ici la fin de l’année. À 40 d’ici la fin de l’année prochaine.» La célérité s'impose. Le changement climatique nous y oblige.

© Francis Kimani-Cella Mineral Storage

Sirona Technologies levait en juin 2023 un million de dollars en financement ‘pre-seed’ auprès de XAnge, VOYAGERS.io Climate-Tech Fund, AFI Ventures, Syndicate One, Climate Club, Adrien Roose (Cowboy), Benoît Deper (Aerospacelab), Renaud Visage (Eventbrite), Thibaud Elziere & Quentin Rickmans (eFounders), d'ingénieurs chez Tesla et SpaceX entre-autres ...

Cela permet à l'entreprise de poursuivre pendant quelques temps sa trajectoire de croissance. «Lors de nos exposés promotionnels, la réponse des investisseurs en capital-risque est satisfaisante. Nous avons posé des jalons et les fonds sont suffisants pour atteindre nos objectifs», dit-il avec confiance.  
«Nous voulons organiser un prochain tour de table en 2025.»

Une partie de la solution 
L’industrie doit prévenir les émissions de CO2 et en cas de rejet, la captation doit se faire de préférence à la source. Actuellement c'est plutôt ce ‘point capture’ qui a le plus d'impact. Il se décline par ‘more bang for your buck’. Les émissions diffuses existeront toujours, car elles peuvent difficilement être évitées. «Nous pouvons avec notre technologie DAC nous préoccuper de ces émissions “difficiles”. Cela rend le DAC complémentaire au filtrage direct.» 

Le zéro net d’ici 2050 signifie qu’autant de CO2 sera émis que filtré. Les émissions mondiales de CO2 à ce terme resteront constantes. Mise en équilibre. Mais encore faut-il que la concentration mondiale soit encore davantage réduite ... 

D'ici 2050, entre 1 et 5 milliards de tonnes de CO2 devront encore annuellement être filtrées. «Le challenge est d'une telle envergure qu’il nous faut commencer dès maintenant pour être à pleine capacité d’ici là. DAC fera partie de la solution.»

Mise à l'échelle avec DAC 
Les entreprises qui captent et filtrent le CO2 sur site doivent s’associer aux émetteurs. «Ce sont souvent de grandes entreprises. Cela nous aidera à décoller plus rapidement.» La concentration de CO2 dans l’air est quasiment la même partout dans le monde. «Dans les villes, elle est un peu plus élevée, mais le mix atmosphérique est rapide.» Construire là-bas coûte plus cher. En outre les installations DAC nécessitent beaucoup d’espace. En effet, la technologie nécessite beaucoup de machines et des kilomètres de champs solaires, d'éoliennes ... 

«Alors, monter une telle opération n’a de sens que dans les endroits où l’énergie verte est abondante. L'on est également plus enclin à choisir des endroits moins fertiles.» Avec le CO2 capturé, l'on peut ensuite fabriquer des matériaux de construction, des produits chimiques, etc. ou l'injecter dans le sol. «La technologie permettant d'injecter et de stocker du CO2 dans le sol est connue depuis un certain temps et ne présente plus que des risques minimes», déclare Gutierrez. Les investissements sont considérables. Le processus de création d’entreprise ne doit pas non plus être sous-estimé, notamment en Europe ou aux É.-U. 

«L'on souhaite évidemment un site où le gouvernement donne son soutient et délivre les autorisations nécessaires afin de pouvoir démarrer rapidement. Le Kenya ne possède pas seulement la bonne roche (le basalte) pour injecter du CO2. Le pays se positionne également pour faire des crédits carbone l’une de ses principales exportations. «Nous pouvons évoluer et croître rapidement au Kenya.» Car monter en puissance le plus rapidement possible est la mission.

Procédé d'adsorption sous vide modulée en température  
Sirona Technologies travaille sur un procédé d'adsorption sous vide modulé en température (Vacuum Swing Adsorption) en usant un sorbant solide. L'adsorption et la désorption (l'absorption et la libération de CO2 à la surface d'un solide) alternent. Le défi consiste à trouver des sorbants solides (poudres ou pellets) absorbant non seulement une grande quantité de CO2 tout en ayant un long cycle de vie stable. «Le coût le plus important, ce sont les sorbants.» Leur nanostructure offre une énorme surface de contact.

« Il y a de fortes indications selon lesquelles nous pouvons améliorer considérablement les sorbants et réduire considérablement les coûts », stipule Thoralf Gutierrez, PDG de Sirona Technologies. (©LDS)

«Avec des pores de 10 à 50 nm, chaque gramme de poudre peut couvrir une surface allant jusqu'à 100 m2. La fonctionnalisation de cette surface est assurée par une amine.» Les constructions et tests en atelier font usage de technologies off-the-shelf. Un ventilateur souffle de l'air dans une boîte en inox pouvant être fermée à l'entrée et à la sortie pour créer un vide intérieur. La boîte, le piège à CO2, contient un maillage de filtres à sorbants solides.

Les chercheurs travaillent sur la structure et les concepts de cadre - prévenant les chutes de pression - ainsi que sur des alvéoles et des cellules plus fines sur lesquelles ils ancrent les poudres de sorbants. La concentration de CO2 dans l'air extérieur varie entre 0,035% et 0,04% (soit environ 420 ppm). Des capteurs la mesure à l’entrée et à la sortie. Lorsque le sorbant est saturé, la boîte se ferme, un vide est créé et la désorption peut commencer. L'oxygène oxyderait et donc décomposerait les amines actives à une température plus élevée. Les chercheurs étudient également la régénération des poudres de sorbants. «Nous étudions l'oxyde d'aluminium (Al2O3) capable de lier des amines fraîches à haute température.»

Intégration verticale 
Sirona se concentre sur le développement des sorbants et la construction des machines. Gutierrez a la vision d’une entreprise verticalement intégrée. Il s’est inspiré de la culture chez Tesla. «C'est un élément majeur de notre stratégie. Dans un premier temps, nous serons également nous-mêmes responsables du déploiement et de l’exploitation des machines. Cela nous fournira les informations requises pour optimiser les opérations et, à terme, passer plus rapidement à une échelle supérieure.»

En cas de succès, Sirona se transformera en un ‘technology provider’. Par la suite seront externalisés l'installation, la mise en service et la maintenance des installations. «Au départ, nous vendrons des crédits carbone; en tant que fournisseur de technologie, nous ne gagnerons de l'argent qu'avec les machines et les sorbants. Lorsque nous vendons des crédits carbone, nous en déduisons le CO2 que nous émettons nous-mêmes.» Les capteurs des machines fournissent des données sur le CO2 capturé. La balance ? «Les concurrents captent 10 tonnes de CO2 pour chaque tonne de CO2 qu'ils émettent eux-mêmes», calcule Gutierrez.

D'envergure, mais faisable 
Actuellement environ 40 milliards de tonnes de CO2 sont émises dans l'atmosphère. D’ici 2050, ces émissions devraient être limitées à un maximum de 10 milliards de tonnes. « Nous pouvons absorber 5 milliards de tonnes avec le DAC », calcule Gutierrez. «Pour ce faire, nous devons disposer d’environ 5.000 TWh par an. Cela équivaut à un parc de panneaux solaires de 100 km sur 100 km.» Le traitement du CO2 requiert une augmentation de la production électrique de seulement 5 à 10 % d’ici 2050. «D'envergure, mais faisable.»


Des octets aux atomes 
Thoralf Gutierrez (33 ans) étudiait le génie logiciel et l'intelligence artificielle à Louvain-la-Neuve. En janvier 2023, il fondait Sirona ensemble avec Gauthier Limpens (CTO). À peine deux mois plus tard, leur première machine était opérationnelle. Elle coûtait 2 000 euros en composants et retirait 10 g de CO2 de l'air libre quotidiennement. La machine de deuxième génération retirait 100 g de CO2 par jour. Aujourd'hui, la machine de troisième génération capte 2 kg de CO2 journellement. « D’ici fin 2024, nous voulons capter 200 kg par jour ou 80 tonnes par an.» Le fait que des recherches dans ce sens soient également menées ailleurs est une bonne nouvelle.

«Nous nous entretenons avec des personnes qui construisent des pots catalytiques pour les voitures. Le même genre de matériaux peut convenir pour le DAC » La stratégie consiste dans un premier temps à trouver des sites où l’énergie verte requise est abordable. Panneaux solaires, pompes à chaleur … Pour pouvoir aussi continuer à travailler la nuit, la chaleur étant stockée au lieu d'utiliser des piles au lithium coûteuses. «Nous sommes ainsi occupés 24h/24 et 7j/7. Les machines doivent rester un investissement capital low capex. Simple. Il doit s’agir de modules à assembler rapidement sur une seule ligne.» La propriété intellectuelle ou les brevets ne sont pas immédiatement pris en compte. «Nous gagnons avec des connaissances non brevetées. Nous utilisons une technologie reconnue pour monter le plus rapidement possible en puissance. L’objectif est de remédier au changement climatique. L’énergie de l’équipe fera la différence.»