La VUB construit son Myceliumlab dans le Green Energy Park de Zellik

En 2017, la VUB s’est lancé dans un projet de recherche académique original consacré aux matériaux mycéliens. Au Green Energy Park de Zellik une équipe de chercheurs de la VUB entend construire un Myceliumlab voué à la recherche et au développement.

Mots clés: #mycelium, #recherche, #VUB

Lire plus

In the field

( Photo: VUB - Elise Elsacker )

Télécharger l'article en PDF

ENGINEERINGNET.BE - Se définissant comme l’ensemble des filaments souterrains qui constituent le thalle des champignons, le mycélium se développe sur des substrats organiques, tels que les effluents résiduels et agricoles.

Le mycélium forme une sorte de liant entre les fibres sur lesquelles il se développe. Si l’on applique ce processus à des effluents tels que les déchets agricoles et la sciure de bois, on peut ‘faire croître’ un large éventail d’objets à base de mycélium.

« Le mycélium permet de réaliser des matériaux en agissant sur leurs propriétés jusqu’à ce qu’elles soient comparables à celles du cuir, du papier, de textiles, de matières plastiques, de mousses d’isolation ou d’un panneau en fibres de bois », comme nous l’explique la Pr. Dr. Ir. Eveline Peeters du groupe de recherche Microbiologie auprès de la VUB.

Elle entrevoit d’ores et déjà une foule d’applications dans les domaines suivants : architecture (matériaux d’isolation, éléments de construction non structurels), industrie du conditionnement, industrie automobile, vêtements ou meubles, voire substituts de viande dans l’industrie alimentaire.

Changement d’échelle 
Au sein du Myceliumlab envisagé, les chercheurs entendent faire passer la production de matériaux mycéliens à une échelle industrielle. Des installations pilotes permettront d’y tester des technologies de fermentation très variées ainsi que diverses étapes de post-traitement. « La Flandre accuse un certain retard par rapport à des pays tels que l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et les Pays-Bas, lesquels en sont déjà au stade de la commercialisation.

Panneaux d’isolation exécutés en un mycélium qui s’est développé sur un substrat composé de 300 tasses de café jetables, de copeaux de hêtre et de fragments de flacons de shampoing rouges. (Photo Lennert Van Rompaey)

Nous nous efforçons de développer, autour de cette classe disruptive de matériaux, un réseau, un écosystème regroupant les entreprises intéressées en Flandre. » La Flandre ne compte à ce jour aucune start-up spécialisée dans ce domaine.  
« Les acteurs potentiels restent tous dans l’expectative. C’est pourquoi, le développement d’une unité de recherche pilote s’impose dans un premier temps. »

Projet ambitieux 
Les promoteurs du projet s’attellent au financement de l’infrastructure de base. De plus, les premières propositions sont en préparation. Le fil conducteur de cette aventure s’articule autour de la durabilité et de la circularité. Il s’agit de matériaux durables qui s’inscrivent dans une économie circulaire. Reposant en effet sur un mode de production durable (doux),ces matériaux seront biodégradables par la suite.

Ces travaux de recherche pluridisciplinaires consacrés au mycélium sont le fruit d’une collaboration entre les Peeters (Microbiologie), Lars De Laet (Sciences de l’ingénierie architecturale) et Niko Van den Brande (Chimie physique et polymères) ainsi que leurs groupes de recherche auprès de la VUB. Plusieurs doctorants issus des divers groupes de recherche travaillent en étroite collaboration au sein d’une équipe interdisciplinaire.

Panneau d’isolation exécuté en un mycélium qui s’est développé sur un substrat composé de 300 tasses de café jetables et de copeaux de hêtre. (Photo Lennert Van Rompaey)

Macroapplications et microstructures 
La Dr. Elise Elsacker participe activement aux travaux de l’équipe de recherche Microbiologie. À l’heure actuelle, cette dernière occupe la fonction de chercheuse postdoctorale à la Newcastle University, et elle est associée aux groupes de recherche Microbiologie et Sciences de l’ingénierie architecturale à Bruxelles. Dans le cadre de son travail doctoral auprès de la VUB, cette dernière s’est penchée sur les propriétés de diverses espèces de champignons dans le but d’identifier celles qui se prêtent le mieux à la production et à certaines applications.

Elsacker a exploré de nouvelles techniques de production pour diverses applications architecturales du mycélium. Il suffit de songer aux meubles, matériaux d’isolation, cloisons intérieures et constructions temporaires biodégradables. Il s’agit, en quelque sorte, de constructions circulaires réalisées au moyen de matériaux durables et biodégradables. Elsacker a développé un nouveau processus de fabrication au moyen de robots en vue de la production de coffrages architecturaux.

Par ailleurs, cette dernière s’est aussi lancée dans l’impression expérimentale en 3D de matériaux mycéliens. Les recherches se poursuivent, mais ces travaux portant sur plusieurs millions d’espèces ont d’ores et déjà donné lieu à la sélection de 36 espèces de champignons producteurs de mycélium. « Pour le moment nous scrutons encore l’horizon tous azimuts. La diversité des options envisageables ne cesse de s’accroître », selon Peeters. Alors que le groupe Sciences de l’ingénierie architecturale se penche essentiellement sur certaines ‘macroapplications’, le groupe Chimie physique met l’accent sur l’étude de la microstructure du mycélium.

Échantillon de mycélium pur et résistant obtenu par culture sur un substrat liquide. (Photo Simon Vandelook, VUB)

« L’été dernier, nous avons également associé d’autres universités à ces travaux », souligne Peeters en faisant allusion à la Dr. Els Du Bois, Développement de produits à la faculté des Ontwerpwetenschappen de l’UAntwerpen, ainsi qu’à la Prof. Dr. Ir. Marjan De Mey à la faculté des Bio-ingenieurswetenschappen de l’UGent. De là, il n’y a qu’un pas vers l’usine pilote gantoise Bio Base Europe placée sous la direction de m. Wim Soetaert.

Applications 
Le mycélium se cultive dans un incubateur porté à une température de 21 à 26 °C et dans des conditions atmosphériques spécifiques. Le mycélium se développe sur des fibres biologiques, telles que les fibres de bois, de chanvre et de lin. Rien ne s’oppose à l’utilisation d’effluents résiduels. Les filaments fongiques se déclinent en d’innombrables variétés dont les propriétés sont très diversifiées. La croissance du mycélium s’effectue d’ordinaire dans des matrices, en fonction de l’application finale.

Au bout de quelques semaines, le mycélium est récolté, séché, puis chauffé. L’organisme vivant meurt lorsque la température atteint 60 °C. Ensuite, le traitement du biomatériau obtenu se poursuit. Ce matériau peut se composer des filaments mycéliens en tant que tels ou se présenter sous la forme d’un composite à base de mycélium, dont les filaments s’entremêlent avec le substrat ou les matériaux sur lesquels ils se sont développés.

Exemples d’application : produit de substitution aux emballages en polystyrène expansé ou aux matériaux d’isolation employés dans le bâtiment. « Diverses applications architecturales sont envisageables, à condition de n’ être soumises qu’à des contraintes structurelles limitées. » Songez par exemple au colmatage des fissures dans le béton. Mais ce matériau permet aussi de remédier à certaines pollutions imputables à des métaux lourds et à des déchets radioactifs.

De la mode à l’automobile 
Adidas entend lancer cette année une paire de baskets confectionnées en mycélium. Le créateur de sac à mains Hermès ambitionne de transformer le mycélium en « cuir végan ». De telles applications pourraient bouleverser le marché de la mode et l’industrie sous-jacente. Certaines applications permettent également de remplacer le papier et diverses matières synthétiques. « L’industrie automobile s’intéresse vivement au mycélium », observe Peeters ; ce matériau se prête à l’habillage intérieur, mais aussi à l’isolation acoustique.

« Toutefois, le chemin à parcourir est encore long. Il nous faut encore caractériser une foule de variables. » Des études de marché doivent encore déterminer si le consommateur est prêt à payer le prix de cette nouvelle alternative coûteuse.

« La durabilité deviendra de toute façon un élément important durant la transition vers une économie circulaire plus économe en énergie. » Elle est convaincue que les évaluations du cycle de vie montreront que les produits à base de mycélium sont susceptibles d’être confectionnés selon un processus neutre en CO2. « Si l’on prend en considération l’ensemble des facteurs pertinents, nous sommes à la veille d’une mutation éminemment disruptive. »