ENGINEERINGNET.BE - Quel que soit le résultat, l'invasion russe de l'Ukraine aura des répercussions dans les années à venir vu que de nombreux États membres européens ont augmenté leurs budgets de défense. À quoi pouvons-nous nous attendre ? Et verra-t-on bientôt des robots tueurs sur le champ de bataille?
La technologie joue un rôle crucial dans la guerre en 2022. Mais ce ne sont pas seulement les chars et les missiles qui font la différence. La guerre a commencé avec un appel du vice-Premier ministre ukrainien Mykhailo Federov à Elon Musk pour envoyer des récepteurs Starlink dans son pays. De grandes parties de l'infrastructure de communication ont en effet été détruites par les Russes dans les premiers jours. Utiliser Starlink était le seul moyen d'accéder à Internet. Crucial.
Musk a promptement repositionné ses satellites et a annoncé que d'autres récepteurs étaient en route. Le jeune ministre a également impliqué d'autres géants de la technologie dans le conflit en les exhortant dans une lettre ouverte à se tenir aux côtés de l'Ukraine. Un appel qui a certainement trouvé un écho, car plusieurs grandes entreprises ont entre-temps limité ou stoppé complètement leurs ventes ou leurs offres de services en Russie. Une guerre ne se déroule donc plus seulement sur le champ de bataille, la communication devient une arme en soi. Parce que les images d'hôpitaux bombardés ou de civils sans défense abattus font beaucoup pour engager les autres parties.
La technologie comme monnaie d'échange
Le fait que l'Ukraine n'ait pas demandé de dollars sonnants et trébuchants pour soutenir sa résistance militaire, mais des cryptomonnaies (elle en a déjà levé plus de 60 millions), indique que la monnaie d'échange évolue aussi en temps de guerre. Et cela peut prendre d'autres aspects et allures. Le pays accepte le DOT (token de la blockchain Polkadot, SOL (token du réseau cryptographique ultra-rapide Solana), Ether (monnaie d'Ethereum, le deuxième plus grand réseau cryptographique), les stablecoins et les NFT.
L'autre belligérant a suivi la même stratégie. Après les sanctions occidentales qui dévaluent au maximum le rouble, de nombreux Russes ont opté pour transférer leur capital en cryptodevises. Cela a fait à nouveau grimper le prix du bitcoin à un niveau inégalé alors qu'il avait fortement chuté ces derniers mois. D'autres desiderata ukrainiens : les drones. Washington a envoyé, entre autres, des drones dits kamikazes. Ils sont de la taille d'un sac à dos, prêts à tirer en dix minutes mais ayant le pouvoir de détruire un char.
Les drones ne sont pas seulement utilisés pour attaquer, ils sont également utilisés pour acheminer des médicaments là où requis, dans des zones très encerclées à l'est de l'Ukraine. Par exemple, une commande a été passée à Draganfly pour 200 unités. Mais les drones occidentaux en bordure de l'espace aérien ukrainien font également leur part de boulot pour transmettre des informations sur les positions russes.
Une primeur: les robots tueurs?
L'impact à long terme de ce conflit sera en tout cas que la technologie militaire revient à l'avant plan de l'actualité. Au lendemain de l'invasion russe, de nombreux pays européens ont décidé d'augmenter à nouveau leurs budgets de défense, alors qu'ils ont été fortement écrémés au cours des dernières décennies. Les années à venir feront découvrir le type d'investissement dont il s'agira.
Avec l'avènement des drones, l'appareil militaire semble avoir fait un pas de plus vers l'automatisation. De nombreux observateurs mettent en garde contre le développement ultérieur des soi-disant LAWS (Lethal Autonomous Weapon Systems). À la fin de l'année dernière, les Nations Unies ne pouvaient s'accorder sur l'interdiction de ces robots tueurs, systèmes d'armes autonomes qui sélectionnent et attaquent leurs cibles sans intervention humaine.
Dans un rapport sur la guerre civile en Libye, l'ONU a mentionné pour la première fois que de tels systèmes avaient fait des morts. Mais des dispositifs sont déjà utilisés pour surveiller la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Les intrus dans la zone démilitarisée sont supprimés sans intervention humaine.
Nouvelle course aux armements
Les tentatives d'ajout de robots tueurs à la Convention relative à certaines armes conventionnelles ont donc échoué. Il s'agit d'un traité-cadre qui vise à interdire ou à limiter les armes qui causent des blessures disproportionnées ou qui ne peuvent être utilisées de manière ciblée. Dans le passé déjà, les contours d'une nouvelle course aux armements se profilaient.
La guerre que la Russie a déclenchée en Ukraine pourrait désormais constituer un nouvel accélérateur. De grandes puissances telles que les États-Unis, la Russie et la Chine sont pleinement engagées dans le développement de LAWS. L'ère de la guerre automatisée n'est pas encore arrivée, mais les développements évoluent à une vitesse fulgurante. Le degré d'autonomie va un peu plus loin à chaque développement.
Distinction et proportionnalité
Mais qu'est-ce qui rend ces armes si dangereuses? Deux éléments seulement sont mis en exergue : distinction et proportionnalité. Tout commence par une identification idoine. Les robots tueurs seront-ils capables de faire la différence entre des éléments hostiles et des enfants de douze ans qui se pourchassent avec des armes-jouets? Ou entre des civils fuyant une zone de conflit et des insurgés en retraite pour des raisons tactiques?
Le problème n'est pas que seules les machines peuvent faire défaut, mais à quelle échelle et à quelle vitesse cela peut se produire lorsque les algorithmes décisionnels fonctionnent de manière erratique. En cas d'erreur, elle est majeure et les développeurs ne savent pas toujours comment solutionner les problèmes. L'intelligence artificielle agit encore trop souvent comme une boîte noire.
Comment gérer?
Le développement de robots tueurs par les instances militaires repose désormais sur l'hypothèse qu'elles seront capables de gérer l'utilisation de systèmes d'armes autonomes. Mais si l'histoire nous a appris quelque chose, c'est que se prémunir des aléas technologiques des armes est particulièrement difficile. Si la demande se présente, d'autres développeurs de tels systèmes émergeront.
Ces systèmes semblent également être la réponse ultime aux conflits modernes. Les drones jouent déjà un rôle déterminant dans la résistance de l'Ukraine aux envahisseurs russes. Ils sont bon marché et efficaces, mais également très répandus. Ils peuvent donc facilement tomber entre les mains de terroristes. Cette course aux armements est négative non seulement à cause du volume croissant, mais vu son impact également croissant.
Car que se passe-t-il s'ils sont liés à des armes chimiques, biologiques ou nucléaires? Et qu'en est-il de la responsabilité? Des voix s'élèvent déjà pour que Vladimir Poutine soit jugé comme criminel de guerre. Mais comment peut-on tenir un robot tueur pour responsable d'avoir violé la Convention de Genève? Qui est responsable pour les robots commettant des crimes de guerre?
Interdiction en Belgique
L'utilisation de telles armes est interdite en Belgique, ce qui en fait le premier pays à émettre une telle interdiction. Mais la recherche en la matière est encore autorisée. L'Europe milite également depuis 2018 pour la limitation des LAWS, mais ces dernières années les prises de positions sont devenues de plus en plus floues. Ainsi, les applications militaires ont été exclues de la publication d'un nouveau livre blanc sur l'intelligence artificielle.
Si l'Europe entend former un bloc militaire dans les années à venir, elle ferait donc bien de développer d'abord une stratégie concernant l'application de l'intelligence artificielle dans le domaine militaire. Il faut des règles transparentes pour une technologie disruptive qui donne au théâtre des opérations un visage radicalement nouveau.