Vol hypersonique à l'hydrogène

Destinus construit un avion de ligne hypersonique qui volera à l'hydrogène à travers la mésosphère (50 km d'altitude) à Mach 5 (cinq fois la vitesse du son) et plus encore. Au dernier salon du Bourget, la maquette statique a été affichée.

Mots clés: #avion, #hydrogène, #vol

Lire plus

Energie

( Photo: Destinus )

ENGINEERINGNET.BE - Destinus, fondée le 16 mars 2021 par Mikhail Kokorich (46 ans), est implantée en Suisse mais aussi en Allemagne (Munich), en Espagne (Madrid) et en France (Toulouse et Paris).

Rapidement, le premier brevet était déposé pour un système de refroidissement actif. Ce dernier est conçu pour restreindre la chaleur du fuselage, des moteurs et des ailes avec l'hydrogène que l'avion hypersonique utilisera également comme carburant.

Hyperplane 
Un ‘hyperplane’ est un hybride entre un avion et une fusée. Un décollage horizontal pour accélérer de manière hypersonique dans la stratosphère (15 km de haut) pour ensuite atteindre la mésosphère (50 km de haut) et de cette altitude, planer pour enfin atterrir à nouveau horizontalement à destination. Les étapes spécifiées pour Destinus sont à l'aube de leurs réalisations. Les premiers vols commerciaux intercontinentaux d’une charge d'1 tonne sont déjà planifiés pour 2025. D’ici 2029, des vols orbitaux à charges utiles de 100 tonnes sont envisagés.

L'accent semble en première instance être principalement mis sur le transport de marchandises. Mais les ambitions vont bien plus loin. Un premier avion de ligne commercial de 25 sièges serait opérationnel en 2030-2032. Avec le Destinus L, 400 passagers pourraient atteindre leur destination partout au monde en 2,5 heures maximum. L'avion atteindrait une altitude de croisière de 36 km, aurait une autonomie de 22.000 km et une vitesse de Mach 6. D’ici 2035-2040. En septembre 2022, la société signait une lettre d'intention avec la plateforme brésilienne Flapper d'affrètement aérien à la demande pour transporter du fret express entre l'Europe et l'Amérique du Sud.

Prototypes 
Destinus testait son premier prototype en novembre 2021. Le Jungfrau a un fuselage de 12 pieds de long. Le Destinus-2 de 30 pieds, Eiger, effectuait son vol inaugural en avril 2022. Un an plus tard, en mai 23, Destinus testait sa postcombustion à l'hydrogène. Certains composants de la postcombustion étaient développés en interne par impression 3D. Les tests constituent une étape importante vers un modèle ultérieur de statoréacteur (ramjet) à hydrogène. Le troisième modèle réduit, le Destinus-3, également exposé au Bourget, pourrait devenir le premier prototype supersonique à hydrogène au monde en 2024.

Aujourd'hui, le turboréacteur du Destinus-3 fonctionne toujours au kérosène classique ; la postcombustion elle, est alimentée à l'hydrogène. Le statoréacteur planifié, qui deviendra supersonique puis plus tard hypersonique tournera in fine à l'hydrogène. Destinus a levé environ 58,2 millions de dollars en cinq cycles de financement. En mars 2023, Destinus rejoignait un consortium espagnol. Ce dernier est axé sur la transformation stratégique aéronautique prôné par le ministère espagnol des Sciences visant à promouvoir la cryogénie, les piles à combustible et l'hydrogène dans l'aviation.

Le consortium espagnol, mené par ITP Aero, a pour objectif de développer un moteur d'avion à l'hydrogène. Les premiers tests auraient lieu d’ici 2025. Le consortium -  bénéficiant de 12 millions d'euros du gouvernement espagnol - regroupe Aerotecnic (construction de systèmes et structures aéronautiques) et Ajusa (piles à combustible). Destinus en fait également partie pour contribuer à la conception et à la mise en place d'une usine pilote à Madrid.

Des universités et des centres de recherche, tels que Tecnalia, INTA et le Centre espagnol de l'hydrogène, sont sollicités. Une deuxième subvention de 15 millions d'euros est allouée à la recherche sur la propulsion à hydrogène liquide et à tester des systèmes de propulsion innovants à l’hydrogène pour les avions supersoniques.

Une pléthore de défis 
Le vol hypersonique présente encore de nombreux défis. En vol hypersonique, le refroidissement ultra-rapide de l’air atmosphérique rencontré - qui peut atteindre plus de 1.000 °C - est une technologie clé. Cela nécessite un type de refroidissement particulier pour réduire la température en quelques fractions de secondes. Les ailes et le fuselage nécessiteront également des métaux/matériaux et un refroidissement spéciaux. Les matériaux et structures de revêtement se contracteront et se dilateront à différentes étapes du vol.

Ces phénomènes requerront bien plus et mieux que ce qui est disponible aujourd’hui. Lors des vols hybrides, une fusée ou un système à réaction amène l'avion à une certaine altitude puis passe au statoréacteur ou au scramjet (superstato). Cette transition se produit généralement quelque part à un peu plus de Mach 2,5. C'est un moment critique car l'avion doit pouvoir maintenir sa vitesse pour que le statoréacteur s'allume. Mais bien avant cela, il y a aussi le ‘bang’ sonore du franchissement du mur du son. Le Concorde avait également ce problème. Comment réduire cette nuisance 

Impulsion militaire 
Les courses aux armements dans les systèmes hypersoniques durent depuis un certain temps. À vitesse hypersonique, l’énergie cinétique d'un missile de ce genre peut être supérieure de plusieurs ordres de grandeur à la charge explosive en soi. Cette puissance destructrice, outre la précision et la quasi-impossibilité d’intercepter des missiles hypersoniques, est l’atout. En effet, leur vitesse offre très peu de temps de réponse et si en outre le missile n'a pas une trajectoire balistique calculable, autrement dit manœuvrable ...

La Russie a déjà utilisé en Ukraine le missile Kh-47M2 Kinzhal (Mach 10) . Avec le YJ-21 (Eagle Strike 21), la Chine dispose d'un missile hypersonique (balistique) initialement lancé à partir d'un navire, mais qui sera plus tard également lancé depuis un bombardier H6K. L’armée et la marine américaines ne veulent pas être laissées pour compte et travaillent sur leur propre LRHW (Long Range Hypersonic Weapon) : Dark Eagle. L'US Air Force planche sur un Hypersonic Attack Cruise Missile (HACM).

Les missiles de croisière hypersoniques utilisent un ram-/scramjet pour gagner de la vitesse après le lancement. Ils absorbent l'air ambiant. Les planeurs hypersoniques sont lancés à partir d'une fusée, ils n'ont pas leur propre moteur embarqué mais utilisent leur 'vitesse de chute ou de glissement'. L'UE de son côté étudie des ‘intercepteurs’ hypersoniques.

Super, hyper, plasma 
Un vol supersonique signifie un déplacement plus rapide que la vitesse du son. Cinq fois la vitesse du son et plus encore est la norme. Une vitesse plus rapide, Mach 10, est définie comme plasmasonique. Le nom fait référence à la formation à ces vitesses d’une enveloppe de plasma autour de l’appareil. Le plasma, l'air ionisé, est le résultat de la compression de l'air et de son échauffement accéléré par des ondes de choc sonores.

Mikhail Kokorich (47 ans), né en Sibérie, a émigré aux États-Unis en 2014. L'entrepreneur en série créait alors qu'il était étudiant sa première entreprise en 1997 - Dauria - ; elle faisait sauter des éléments, fournissait des services d'explosion et des produits chimiques. En 2004, il lançait une chaîne de vente au détail et plus tard également une chaîne de produits d'électronique et de produits blancs. Lorsqu'il vendait ses parts dans sa première entreprise, il créait en 2011 la société spa-tiale privée Dauria Aerospace qui a envoyé plusieurs satellites dans l'espace. En 2015, face aux développements géopolitiques glaciaux, les filiales de Dauria à Munich et Mountain View (CA-États-Unis) étaient fermées.

Kokorich se retirait de Dauria Aerospace et fondait Astro Digital en Californie, orientée sur les données satellitaires. En 2017, il fondait également Momentus, un service de remorquage spatial visant à déplacer des satellites d'une orbite à une autre. Momentus a levé environ 400 millions de dollars en capital-risque et a procédé à une introduction en bourse. Mais en 2021, le Russe, qui actait sur un terrain stratégiquement Américain, devait se retirer. Début 2021, il s'installe en Suisse et fonde Destinus pour développer des avions supersoniques propulsés à l'hydrogène.