Focus sur les innovations intégrant des fibres de lin

Étudiant doctorant en science des matériaux à la KULeuven, Gilles Koolen recherchait comment améliorer la résistance à l’humidité des composites à base de fibres de lin et de chanvre. Il a fondé Biofibix, une spin-off de la KULeuven.

Mots clés: #chanvre, #composite, #innovation, #semi-fini

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Materials

( Photo: Biofibix )

ENGINEERINGNET.BE - Cette entreprise a lancé Hypermat, un produit semi fini non tissé en fibres de lin pour les matériaux composites.

En 2022, un projet de recherche et une analyse de cycle de vie confirmaient que les émissions de CO2 pouvaient être réduites de 50 à 80% selon l’application lorsque la fibre de lin remplaçait la fibre de verre ou de carbone. On retrouve de telles applications dans les panneaux des coffres de voitures, les parois des caravanes et des bateaux, les cockpits d’avions et autres applications légères.

« Les avantages des composites à base de fibres naturelles ont été démontrés dans de nombreuses applications. Dans la pratique, leur utilisation est cependant limitée aux prototypes et aux petites séries en raison des défis techniques et des coûts », explique Gilles Koolen. « Je suis convaincu que Biofibix peut percer dans des applications de volumes et que nous pouvons créer un nouveau segment de marché avec des non-tissés en fibres de lin de haute qualité. Notre technologie permet de produire des renforts en fibres naturelles de qualité avec un processus rentable. »

« Lors de mes missions de consultance, j’ai constaté chez mes interlocuteurs un enthousiasme croissant pour les composites à base de fibres naturelles. Cela s’est aussi manifesté avec le développement du Natural Fibre Village au JEC, le salon des matériaux composites à Paris. »

Léger
Des essais mécaniques ont montré que le produit Hypermat preste mieux que les renforts en fibres de verre en termes de rigidité spécifique à la flexion et d’amortissement des vibrations. Les panneaux composites Hypermat – tout en conservant leurs propriétés mécaniques - sont jusqu’à 25% plus légers que les composites à toiles en verre et les matériaux composites quasi-isotropes avec renfort en fibres de verre. L’amortissement interne est amélioré, jusqu’à doubler éventuellement le facteur de perte. Lorsqu’il est utilisé dans le secteur des transports, le poids réduit permet d’augmenter l’autonomie des batteries ou de réduire la consommation de carburant. »

Oprichters Gilles Koolen (r.) en Stijn Vanacker. (© Sven Cirock)

« Un poids réduit est un argument typique pour choisir les composites renforcés à la fibre. Dans le secteur des transports mais aussi de la construction car les structures légères (en préfab) sont plus faciles à manipuler. D’autres critères de décision dans le choix des composites sont la liberté de forme et les faibles coûts de maintenance. » Gilles Koolen souligne la capacité d’amortissement élevée. « Cela améliore le confort de l’utilisateur et la sécurité. »

Le traitement de la fibre constitue la base technologique de Biofibix. « En remplaçant les groupes de polarité aux extrémités de la fibre naturelle par une composition optimisée de polymères, nous pouvons améliorer la résistance à l’humidité sans affecter la structure de la fibre de lin. Le lin est comparativement plus sensible à l’humidité. Nos améliorations peuvent allonger la durée de vie dans certaines applications. Nous avons ensuite approfondi la technologie de manière à pouvoir ajuster l’absorption de résine, la liaison entre les fibres et la matrice et dans une certaine mesure la résistance au feu selon les besoins du client. »

Des zones de culture à proximité
« La biomasse des fibres de lin est aujourd’hui transformée en un produit fini dans un rayon de 150 kilomètres autour de la zone de culture », poursuit Gilles Koolen. Cela peut évoluer selon l’évolution du marché. « Les principales zones de culture de lin se situent en Belgique, dans le sud des Pays-Bas et dans le nord de la France. Ensemble, ces régions représentent 75% de la production mondiale. Le secteur, via l’Association belge du lin, a réagi avec enthousiasme à mon initiative. »

Concrètement, Gilles Koolen a conclu un partenariat avec le producteur de lin Stijn Vanacker (Vanacker Rumbeke), avec le soutien financier de Vlaio. « Stijn est le cofondateur de Biofibix. Cela crée un lien fort avec la culture et l’industrie traditionnelles du lin en Belgique et un accès à des matières premières locales de qualité. Stijn apporte l’expérience commerciale, opérationnelle et logistique que je n’ai pas dans mon parcours universitaire. »
Bien que traditionnelle, l’industrie du lin n’est pas un secteur en difficulté contrairement à d’autres secteurs traditionnels. 

« Ces derniers temps, la demande a explosé, en particulier le lin pour l’industrie textile. Bien que le marché se stabilise, l’offre est régulièrement sous pression. Voilà pourquoi il est important d’être proche de la source. La Belgique est l’endroit idéal pour démarrer une entreprise de lin grâce au vaste réseau de producteurs et d’entreprises de transformation de fibres. »

Production
« La production d’Hypermat a démarré en 2024. « Les clients viennent de divers secteurs. Actuellement, nous nous focalisons sur les panneaux légers pour les bateaux et les caravanes, le secteur de la construction et les articles de sport comme les raquettes de paddle. Avec un client allemand, nous avons développé un panneau léger pour les bateaux, à partir de notre toile. 

Nieuwe toepassingen voor een traditioneel gewas. (© Vanacker Rumbeke)

Notre technologie est utilisée dans la production de fibres préimprégnées, ce qui a permis au client concerné de réduire ses coûts de production. Par ailleurs, nous avons développé une raquette de pickleball – un paddle américain - avec la startup bruxelloise Composites 53. Ses propriétés amortissantes devraient améliorer la sensation de jeu. Les essais sur le terrain battent leur plein. »

Plans futurs
Avec les machines actuelles et les partenaires de production, Biofibix peut produire jusqu’à 1 tonne d’Hypermat par jour. « La base technologique est là, mais nous gardons résolument une petite équipe et nous nous concentrons sur le développement du marché. En tant que fournisseur, nous parcourrons toujours un processus de développement avec quelques clients potentiels pour cocher toutes les exigences commerciales et techniques.

Une fois la première série de produits livrée, nous continuerons d’investir dans nos installations. À moyen terme, nous voulons devenir le leader de marché dans le segment des non-tissés en fibres de lin et de chanvre de haute qualité. Pour cela, nous aurons besoin d’une équipe de 25 à 30 personnes. »

Chanvre
« La fibre de chanvre est également très demandée. Quand le chanvre est cultivé selon une densité de plants supérieure au mètre carré, il peut être traité avec les machines de traitement de lin. Les tiges sont suffisamment fines. Les fibres de chanvre ont des propriétés mécaniques et une finesse proches de celles du lin. On les utilise donc dans des applications similaires », signale Gilles Koolen.