Zeopore Technologies affine les zéolithes

En mai dernier, Zeopore Technologies doublait sa surface d’exploitation au Researchpark de Haasrode, pour atteindre 650 m². Deux bureaux, des laboratoires d’essais industriels et un hall de production de 100 m² entre les deux.

Mots clés: #chimique, #materiaux, #zéolithes

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( Photo: LDS )

ENGINEERINGNET.BE - « Une production semi-industrielle », précise le CEO Kurt Du Mong. « Nous pouvons désormais produire 150 à 200 tonnes de zéolithes mésoporeuses par an. » Qui sont notamment utilisées dans les raffineries et les sites chimiques d’aujourd’hui … et de demain.

Une zéolithe est un matériau hautement cristallin. Les zéolithes présentent des structures de cavités et de tunnels appelées pores, de moins d’un nanomètre, soit l’ordre de grandeur des molécules. Les molécules s’y fixent par adsorption. Dans les ‘sites actifs’, une réaction a lieu suivie d’une désorption. Le procédé est efficace, bon marché et sûr, mais le zéolithe classique connaît des limitations de diffusion. Les molécules ont du mal à entrer, ce qui limite les performances. Zeopore a résolu le problème en créant des autoroutes moléculaires dans les cristaux de zéolithe, avec des pores 10 à 50 fois plus grands. Via ces mésopores, d’un diamètre de 10 à 50 nm, les molécules accèdent plus facilement aux sites actifs du cristal.

« Le défi consiste à obtenir des matériaux de haute qualité sans utiliser des ingrédients coûteux et nocifs », explique Kurt Du Mong. Les zéolithes sont fragiles. Certaines technologies utilisent des acides et des bases qui, outre le fait de créer des mésopores, endommagent la zéolithe. « Il faut une protection pour éviter d’endommager la zéolithe lors de la création de pores supplémentaires. Les concurrents ajoutent des additifs coûteux qui sont brûlés ultérieurement. » 

Un procédé énergivore et explosif (à 600°C). « Nous avons trouvé une méthode pour protéger les zéolithes contre les acides et les bases sans additifs. De manière contrôlée, à l’échelle nanométrique, nous maîtrisons le contact entre les zéolithes et les produits chimiques. » Kurt Du Mong prévoit, dès l’année prochaine, une adoption industrielle de ses produits. Une zéolithe affinée nécessite de nombreuses validations.

Chaîne d’approvisionnement 
« Nous sommes des ‘améliorateurs’. Nous achetons ou recevons de la poudre zéolithe non traitée du client et nous y appliquons un traitement qui modifie ses propriétés à l’échelle nanométrique. » Zeopore fournit sa zéolithe mésoporeuse sous forme de poudre aux fabricants de catalyseurs, qui la mélangent à d’autres substances pour la livrer sous forme de granulés catalyseurs au client final, par exemple une raffinerie ou une usine chimique.

Een standaard geroerde reactor, een industriële filter en een oven: Zeopores centraal kleppensysteem stuurt de precieze mesoporisatie. (foto Zeopore)

Dans une raffinerie, les catalyseurs peuvent contenir 30 à 100 tonnes de zéolithes dont la durée de vie est de quelques années. « Il y a au maximum 50 clients potentiels – des producteurs de catalyseurs – dans le monde », estime Kurt Du Mong. Tous des acteurs majeurs. Des multinationales comme Shell, BASF, Ketjen, ExxonMobil, Axens, Honeywell UOP, … « Dans l’économie circulaire, des acteurs plus modestes s’occupent des déchets plastiques, des huiles végétales, des huiles de cuisson usagées, de la biomasse pour les produits chimiques, etc. Alors que les matières premières circulaires gagnent en importance, les procédés existants évoluent fondamentalement et la demande d’optimisation se pose. »

Deux marchés, huit applications 
Zeopore opère sur deux marchés et cible huit applications. Le premier marché est celui du raffinage et de la pétrochimie, alimentés à 90% par le pétrole et le gaz, et même le charbon. Le second est celui du raffinage durable et circulaire et de la chimie verte. Voyez la production de carburants durables d’aviation (SAF) ou les lubrifiants renouvelables. « Nos catalyseurs zéolithiques peuvent augmenter le rendement de 5 à 8%. »

Le craquage catalytique en lit fluidisé (FCC) représente, avec 85% du tonnage, le plus grand marché de la zéolithe. « Le coke, dépôt de carbone, se dépose sur la surface du catalyseur qu’il faut donc régénérer. » Cela se fait in situ par fluidisation, les dépôts étant brûlés sous un flux d’air chaud à 700°C. Ce marché, le plus important, utilise environ un million de tonnes de zéolithes, un ‘produit de base’ dont le prix et le degré de régénération sont déterminants. Ce segment très consolidé ne compte que 5 à 6 producteurs dans le monde. « Nous sommes présents sur ce marché. Nous pouvons contrôler la composition du produit fini et augmenter par exemple la quantité de propylène. De 1% en valeur absolue, soit 5% en valeur relative », calcule Kurt Du Mong. Le défi est que chaque producteur veut l’exclusivité, alors que le prix est déterminant dans ce segment. Chez l’un de ces producteurs, Zeopore finalise l’étape de validation. Des essais industriels suivront. « C’est important pour nous. Les volumes sont immenses. Le FCC est le seul marché où nous ne produirons pas nous-mêmes. Notre procédé a lieu sur place, dans le processus de production de zéolithe/catalyseur existant, sinon ce n’est économiquement pas rentable. Cela demande la capacité de produire plusieurs de dizaines de milliers de tonnes. »

L’hydrocraquage à l’hydrogène (HDC) est un deuxième grand marché. « Les zéolithes utilisées ici sont plus chères. Pour nous, c’est peut-être le marché le plus important, même s’il est plus modeste. Nous travaillons avec plusieurs acteurs industriels. » Zeopore a ainsi réalisé des tests avec Q8 dans son installation pilote, avec ses matières premières et dans ses conditions de processus. « Nous avons obtenu 3 à 4% de produits de haute qualité en plus, à savoir du diesel et du kérosène. » Zeopore a breveté sa nouvelle technologie HDC. « En général, il faut plusieurs processus pour atteindre la zéolithe souhaitée. Nous pouvons intégrer notre étape de modification dans le processus et modifier la zéolithe de départ moins coûteuse avec moins de perte de matière. »

Na het eigen filtratieproces worden de eindproducten verzameld, gedroogd, verpakt en wereldwijd verzonden. (foto Zeopore) 

Le troisième marché, le dewaxing (isomérisation) vise à réduire la viscosité d’un produit pétrolier et à modifier son point d’écoulement pour améliorer les performances des moteurs. « Très important pour les carburants plus durables, un marché sur lequel Zeopore s’implante actuellement avec un partenaire. Les carburants durables constituent un marché en forte croissance, et avec nos zéolithes hautement performantes, nous pouvons jouer un rôle-clé. »

« Le quatrième marché ‘crude to chemicals’ - ‘du brut aux produits chimiques’ –  est développé par des acteurs comme Saudi Aramco, Exxonmobil et le Chinois Sinopec. » A partir du pétrole pompé, les raffineries produisent environ 70-80% de fuels (diesel, kérosène, GPL et gaz) et 20 à 30% de matières premières de base pour l’industrie chimique (éthylène, propylène, aromates,  …). Aramco veut inverser ce rapport et produire davantage de matières premières de base et moins de carburants. Mais cela demande une transformation complète et des catalyseurs spécifiques. « Zeopore y travaille au sein d’un groupe d’entreprises.. Ces raffineries n’existent pas encore. C’est un projet à long terme. En attendant, nous nous préparons pour être prêts lorsque ces nouvelles technologies deviendront réalité. »

Kurt Du Mong évoque les marchés/applications comme le SAF et le diesel renouvelable. « C’est un marché en croissance mais encore modeste comparé à celui des combustibles fossiles. » Dans la production de kérosène renouvelable et sans fossile, les huiles végétales ou synthétiques sont transformées en un carburant plus durable. La qualité est inférieure à celle du carburant fossile et doit être optimisée. « Pour répondre aux spécifications du marché, une étape d’isomérisation supplémentaire s’impose. Si elle n’est pas réalisée optimalement, avec des zéolithes standard, vous perdez 10 à 30% de produits secondaires. Avec nos méso-zéolithes, la perte de flux secondaires n’est que de 2%. On récupère donc 8% de kérosène précieux. Nous générons ainsi entre 15 et 20 millions de dollars par an pour une raffinerie. » Zeopore atteint des chiffres similaires pour le diesel fossile. Compte tenu de l’ampleur des volumes du marché, les bénéfices à réaliser sont importants. « Mais le marché plus durable est restreint pour l’instant. Il faut souvent encore franchir plusieurs étapes de développement qui n’ont rien à voir avec nous. »

C’est encore plus vrai pour le marché des déchets plastiques. « Le recyclage mécanique et thermique (pyrolyse) ne permet pas encore d’obtenir les propriétés souhaitées. On consomme aussi beaucoup d’énergie (chaleur). La catalyse est explorée pour travailler de manière plus efficiente et plus rentable. » 

Un recyclage chimique brise les longues chaînes polymères en molécules plus petites, un monomère. « Notre technologie apporte une grande amélioration. » Les déchets plastiques sont d’abord traités thermiquement dans le réacteur de pyrolyse. La combustion sans oxygène produit un gaz, un liquide (Py-oil ou huile pyrolytique) et un résidu solide. Le gaz est converti en aromates (styrène, benzène, toluène,…). « Avec les zéolithes standard, la composition des aromates est difficile à contrôler. Nous pouvons l’orienter vers les produits les plus importants, comme le xylène. Nous doublons la sélectivité et nous augmentons le rendement. »

Un troisième sous-marché est la conversion de CO₂ (capturé) en méthanol, puis en propylène, éthylène, fuels,  … Zeopore fait partie de consortiums et de projets de recherche européens développant des nouveaux processus visant à passer du CO₂ au méthanol puis au SAF. « Ces processus existent. Nous étudions la possibilité de les réaliser dans un seul réacteur. Lors de la conversion du méthanol, nous ne livrons pas que 25% de produit fini en plus, la durée de vie du catalyseur est aussi allongée. » Mais ça, c’est pour le plus long terme … En attendant, Kurt Du Mong s’adapte au marché.  
« Si nous améliorons  l’aspect fossile ? Nos zéolithes permettent effectivement d’économiser de l’énergie et du CO₂. L’impact environnemental est moindre, la durabilité est plus grande, les coûts sont réduits et la rentabilité est accrue : c’est la combinaison souhaitée pour l’importante industrie chimique. »

Fierté de la Flandre 
« Après sept ans, nous avons lancé la commercialisation et les choses peuvent vite évoluer. » À ce jour, Kurt Du Mong estime qu’environ 5 millions d’euros de fonds propres et 2 millions d’euros de subsides ont été investis. Cet argent a permis d’avoir une installation semi-industrielle et un portefeuille de 12 familles de brevets dans le monde. Zeopore compte une douzaine de collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de milliers d’euros avec ses échantillons et les premiers volumes de produits. « D’ici 2029, ce chiffre dépassera les 30 millions d’euros, avec une rentabilité confortable. Si nous y parvenons, un seul client dans une seule application suffira à assurer la rentabilité. » Zeopore a cinq opportunités commerciales en cours, proches d’une utilisation industrielle. Le grand défi est que les tests prennent du temps et doivent être répétés. Il y a un risque d’érosion accélérée des catalyseurs, que les investisseurs perdent patience…

Kurt Du Mong est fier de son équipe. « Nous nous alignons aux aspirations de la Belgique/Flandre. Nous misons sur l’innovation au cœur de la chimie. C’est un enjeu international : nous apportons de la valeur, nous réduisons le CO₂ et nous renforçons la circularité. Notre technologie unique est hautement rentable et a un impact mondial. » (foto's: LDS & zeopore)

Mésoporisation
Les zéolithes mésoporeuses sont connues depuis longtemps pour leurs performances exceptionnelles dans les procédés de catalyse, mais leur production était si coûteuse qu’elles n’étaient commercialement pas viables. Des recherches cruciales menées en 2015-16 au KU Leuven Centrum voor Oppervlaktechemie en Katalyse ont permis de résoudre le problème. En 2017, la spin-out Zeopore Technologies était fondée. En 2024, Zeopore a fait passer sa production du stade laboratoire à l’échelle semi-industrielle. L’entreprise utilise un hardware simple : un réacteur à cuve agitée standard, un filtre industriel et un four. Ses connaissances en chimie – ‘Zeopore inside’ - 
font toute la différence. Un système central de soupapes contrôle la mésoporisation avec précision.  Le procédé de filtration fournit les produits finis qui sont collectés, séchés, conditionnés et expédiés dans le monde entier. Les zéolithes mésoporeuses peuvent à leur tour être enrichies de métaux et métaux précieux pour des formulations catalytiques.