Taipro: croissance d’un petit costaud

Taipro (Tailored Microsystems Improving your Product) développe des microsystèmes sur mesure pour les process du client. L'assembleur de puces liégeois est résolument engagé dans la croissance et déménage à Verviers.

Mots clés: #Michel Saint-Mard, #puces, #Taipro

Lire plus

Magazine

Télécharger l'article en

ENGINEERINGNET.BE - «Nous découpons les disques/wafers de semi-conducteurs, généralement livrés à 200 mm (8 pouces) en puces ('die') et intégrons l'électronique», déclare le cofondateur et PDG Michel Saint-Mard. Taipro encapsule des puces brutes. «Nous gérons les projets de A à Z. Nous aidons à développer le concept et pouvons gérer la première production. Mais le client peut aussi s'adresser à nous rien que pour le design électronique.» L'entreprise prend en charge environ 130 projets par an.

«Ce sont souvent beaucoup de petits projets. Cependant, la valeur des assemblages ('packagings') continue de croître.» Taipro vient tout juste de clôturer une levée de fonds. Fin 2020, 1,4 million d'euros ont été récoltés sur les marchés. Un million ira à l'agencement de son nouveau siège et d'une nouvelle salle blanche. Les 400 000 euros restants seront consacrés aux machines. Aujourd'hui, l'entreprise loue des locaux à Seraing à WSL Labs, l'incubateur technologique des start-ups actives dans l'aérospatiale.

«Après douze ans, nos locaux devenaient trop étroits. Nous déménagerons à la mi-juin dans la zone industrielle de Lambermont près de Verviers.» Nous y aurons, outre 400 m² d'espaces de bureau, une salle blanche de 60 m². Taipro souhaite doubler sa production annuelle qui est aujourd'hui d'environ 25.000 unités. Le terrain de 3.000 m² permet d'encore croître ultérieurement.

Taipro emploie dix personnes et externalise fréquemment six jobs environ. «Nous cherchons à recruter deux personnes supplémentaires cette année, puis à en recruter une autre chaque année ultérieure. Entre 2019-2020, notre chiffre d'affaire a augmenté de 15%. C'est ce que nous prévoyons également pour cette année-ci.»

Le pied dans la porte
Initialement, les activités de conception et de conseil prévalaient. Les entreprises d'électronique gardaient ces services longtemps en interne avant de finalement les externaliser. Souvent très loin. Cela a des inconvénients. «Nous avons précisément sauté juste à temps dans ce créneau», précise Saint-Mard, qui calcule que ses activités de conception/conseil représentent encore 20% des ventes et que la production représente actuellement 80%.

«L'activité de conseil est souvent le pied dans la porte avant la mise en production. De cette manière, l'une est liée à l'autre. Nous sommes un 'guichet unique'. Les clients ont deux profils. D'une part, les start-ups ont besoin de prototypes et de faibles volumes. D'autre part, nous visons les grandes entreprises à la recherche de productions restreintes outre celles à grand volume.»

L'entreprise est active dans plusieurs secteurs (bio, médical, sport automobile F1, aéronautique, games …). Pourtant, elle ne tire pas tous azimuts mais cible ses efforts. En 2019, elle a remporté un contrat avec le français Texys pour des capteurs de débit de voitures de Formule 1. Le capteur de Taipro mesure environ 30 x 35 x 35 mm, trois fois plus petit et pourtant plus précis que celui de la concurrence. Cependant, suite aux périples de la Covid-19, le sport automobile s'est retrouvé dans une situation catastrophique. En aéronautique, elle prend part conjointement avec Safran au projet 4Equip, remporté dans le cadre du programme wallon Skywin.

SmartWave
Taipro est impliquée dans le récent projet européen SmartWave qui développe à base de métamatériaux des déphaseurs radiofréquences et en bande millimétrique pour les applications de réseaux phasés d'antennes. Les déphaseurs modifient l'angle de déphasage de transmission d'un signal d'entrée. Les métamatériaux reconfigurables permettent d'améliorer le mécanisme de déphasage, à une vitesse plus rapide et avec une consommation moindre en courant. Tout cela dans la bande d'hyperfréquence K (10-100 GHz). Cela concerne l'IoT, la 5G et au-delà, la conduite autonome …

«SmartWave est le premier projet dans lequel nous allons si haut en fréquence. Ces hautes fréquences posent un sérieux défi à l'assemblage. En particulier, le pontage ou 'wire bonding', soit la connexion ou l'interfaçage entre le die et les autres composants est assez complexe.» En effet, la forme et le circuit des connexions influencent alors le fonctionnement de la puce. Les fils de connexion deviennent une sorte d'antenne. Un micron de trop à gauche ou à droite et plus rien ne fonctionne. Non seulement l'assemblage, mais aussi la forme et le type de matériau du packaging sont des paramètres d'importance.

«Les simulations nous montrent comment nous devrons assembler la puce. Nous discutons de ce qui est possible sur la base de simulations. Pour cela, nous faisons appel, entre autres, au logiciel de simulation de l'italien IHP. Nous analysons les itérations avec des partenaires en Grèce, en Italie et en France.» Outre Taipro, Thales est également actif dans le consortium. «Nous travaillons avec eux depuis déjà un certain temps. SmartWave est déjà le troisième projet conjoint. En 2010, nous avons étudié dans SmartPower comment nous pourrions refroidir les puces haute fréquence chauffant rapidement.

SmartTec visait à réaliser une puce haute fréquence. Le développement a dû être porté au niveau TRL7. Avec SmartWave, nous voulons désormais tout porter à une fréquence encore plus élevée.» Au plus les fréquences sont élevées, au plus le dégagement de chaleur est important, et au plus grandes les perturbations. «Pour ce cas-ci, l'assemblage est étudié dès le début du développement. Cela change tout le processus.»

À la mi-juin, Taipro déménage dans la zone industrielle de Lambermont près de Verviers. Une nouvelle salle blanche de 60 m2 y sera installée. Ici, une image de la salle blanche actuelle. (Photo: LDS)

Impliqué dès le départ
En effet, huit fois sur dix, les concepteurs de composants électroniques oublient qu'ils doivent aussi 'assembler', stipule Saint-Mard. «Néanmoins, ce n'est pas sans importance si l'on sait que le packaging représentera jusqu'à la moitié du prix de revient du produit final. De nombreux clients ont déjà fait faillite car ils n'avaient pas considéré l'assemblage. Le concepteur poursuivait sa logique et … s'est planté, car le packaging s'avérait impossible.

Nous essayons de nous impliquer le plus tôt possible dans le processus et d'intervenir pertinemment.» Initialement, en 2009, Taipro se concentrait sur le design électronique. Un prototype n'était qu'occasionnellement développé. «À l'époque, nous réalisions 90% du chiffre d'affaires en travail conceptuel et 10% en packaging. Le rapport est actuellement inversé.»

Le packaging réalise aujourd'hui 80% du chiffre d'affaires, tandis que les services/l'ingénierie représentent les 20% restants, répartis pour moitié entre le médical et le bio. «D'ailleurs, Taipro fera de plus en plus de packaging», ce à quoi s'attend Saint-Mard, qui souligne en même temps que travailler sur de nombreux petits projets garantit un bon rendement financier.

Filiales
Taipro a depuis longtemps une filiale en France près de Grenoble, animée par un commercial. Début 2019, la filiale à 100% Sensorade a commencé à commercialiser et à produire en série les micro capteurs de pression (débit, aérodynamique) que Taipro avait développés. Ce sont des capteurs miniatures MEMS capables de résister à de hautes températures (jusqu'à 200 °C) et d'enregistrer de nombreux points de données (100.000 à la seconde).

Cela les rend adaptés aux mesures à des vitesses élevées, voire supersoniques. Les clients/utilisateurs sont in fine des entreprises disposant de souffleries pour avions, éoliennes, turbos, ventilateurs… «Certains mesurent aux extrémités des pales des éoliennes pour trouver les moyens de réduire les nuisances sonores.» La production physique proprement dite de ces capteurs a lieu chez Taipro même. La production tourne sur des machines automatiques. Les composants sont placés sur un plateau qui est déplacé manuellement d'une machine à l'autre. L'entreprise vise à automatiser la production de Sensorade.

«En 2020, nous comptions 1,5 personnes en production. L'année dernière, nous avons eu une panne inopinée sur une machine. Nous ne pouvons plus nous permettre cela. Nous devons doubler notre parc machines. L'automatisation doit nous permettre de nous positionner également sur d'autres marchés.» L'année dernière, plusieurs distributeurs ont été sélectionnés pour vendre les capteurs en Suède et en Finlande, en Amérique du Nord, en Chine, en Inde, au Benelux et d'autres pays d'importance en Europe.

Des négociations sont en cours avec des candidats en Corée et au Japon. Sensorade (1,5 personne) déménagera bientôt avec nous. «Les clients viennent souvent nous auditer.» Une certification ISO n'est pas immédiatement envisagée. «L'ISO n'est pas facile pour une petite organisation. Nous ne pensons pas non plus qu’une telle certification nous apporterais plus d’activité.» Des travaux sont cependant en cours sur l'automatisation des procédures et des processus, tels que les demandes de prix/devis.

Coopérer
L'entreprise n'est pas opposée à diverses formes de coopération. L'été dernier, en juillet 2020, le français Smart Equipment Technology (SET) a été hébergé par Taipro. SET effectue des tests sur de l'électronique de précision, sur le pontage à puce retournée 'flip-chip bonding' et sur les lignes d'assemblage. Depuis, la salle blanche de Taipro dispose d'une machine de démonstration SET capable d'assembler des composants électroniques avec une précision de 3 µm. Taipro réalisera des tests et produira des petites séries pour SET France.

«Tout s'accélère dans le domaine électronique. Des prototypes, des petites séries… les développements évoluent constamment. La tendance ne s'inversera pas à l'avenir», estime Saint-Mard. «Le défi majeur pour nous est de rester agile en permanence. Telle est notre force. Nous ne pouvons pas nous permettre d'inertie. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre d'avoir un partenaire qui nous freine. Un grand pool de clients devrait prévenir cela.»


Par Luc De Smet

Cadre: Qui est Michel Saint-Mard ?

Michel Saint-Mard (51 ans) est ingénieur civil électromécanicien en aéronautique et en aérospatiale. Diplômé de l'ULg (1995), il commençait à travailler à l'École Royale Militaire sur un projet qui étudiait la manière de mettre une charge utile en orbite autour de la Terre à l'aide d'un missile à un étage. Il se penchait en détail sur la in-flight LOX collection. Dans ce cas, une fois lancée, la fusée vole d'abord quelque temps dans l'atmosphère pour 'happer de l'air' pour comprimer l'oxygène (LOX signifie Liquid Oxygen) et l'utiliser dans la phase suivante du vol comme oxydant, soit du carburant supplémentaire pour la fusée. Après quatre ans, en 1999, il rejoint Techspace Aero (Safran actuellement) où il devient chef de projet pour les vannes cryogéniques. En 2005, il retourne à l'Université de Liège où il crée le département Microsys. «Taipro s'est développée à partir de là comme jeune pousse en 2009.» Il crée l'entreprise ensemble avec Fabrice Haudry. Tous deux détiennent 51% du capital, à la suite d'un management buy out par la direction en 2017 du partenaire d'investissement Meusinvest. Le solde est propriété de l'Université de Liège (30%) et d'autres salariés.