Finis les conteneurs perdus grâce à des réseaux neuronaux belges

Le trafic de conteneurs constitue le pilier de l’économie mondiale. Grâce au recours à des systèmes de vision associés à des réseaux neuronaux convolutifs (CNN), le pourcentage d’identification atteint des sommets inégalés.

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ENGINEERINGNET.BE - Le trafic de conteneurs constitue le pilier de l’économie mondiale. Shanghai, le plus grand port du monde, traite 43,3 millions d’unités équivalents 20 pieds (TEU) par an. Plus près de chez nous, le port d’Anvers a terminé l’an dernier sur le chiffre de 12 millions de TEU. Un conteneur qui se perd au milieu de cette masse immense représente un cauchemar pour chaque gestionnaire. Grâce au recours à des systèmes de vision associés à des réseaux neuronaux convolutifs (CNN), le pourcentage d’identification atteint des sommets inégalés.

Les grands ports maritimes se sont largement automatisés ces dernières années, surtout dans les pays où les coûts de la main-d'œuvre sont élevés. En général, ces processus de traitement automatique de conteneurs se déroulent très bien mais quand il se produit une anomalie non prévue dans le programme, c'est le branle-bas de combat. A ce moment-là, l’intelligence humaine doit sauver les meubles, mais cela prend beaucoup de temps et cela coûte cher. C’est pourquoi les gestionnaires veulent à tout prix éviter que des conteneurs se perdent et pour ce faire, ils misent sur des systèmes de vérification. Placés à des endroits stratégiques dans la chaîne logistique, ces systèmes doivent pouvoir lire les nombreuses inscriptions sur les conteneurs, les vérifier et les communiquer au système central du gestionnaire.

La première couche par OCR et OFR
Dans les années 1990, les premiers systèmes de vision étaient surtout basés sur des logiciels OCR (reconnaissance optique de caractères). Les systèmes de vision scannent les conteneurs et le logiciel compare les pixels des images aux caractères contenus dans la base de données. Combinée à des analyses statistiques, cette approche a abouti aux premiers systèmes automatisés permettant de lire un numéro de conteneur, son code ISO, son volume et son poids. Mais elle présentait encore un point faible : les caractères devaient être parfaitement lisibles.

Configuration du Truck Gate, avec des scanners linéaires qui scannent les faces latérales et la face supérieure et des caméras matricielles 2D qui photographient le haut et l’arrière du conteneur. Par ailleurs, deux caméras scannent la plaque d’immatriculation du camion. (Photo Camco)

La moindre imprécision, dégradation ou salissure sur le conteneur pouvait générer une erreur de traitement. Dans une deuxième phase, on a ajouté les logiciels OFR (reconnaissance optique de caractéristiques) aux systèmes de scanning. Ces logiciels pouvaient aussi détecter des formes, des textures et des couleurs. Cela a ouvert la possibilité de vérifier diverses choses comme le positionnement, la classification de la cargaison et la présence de scellés de sécurité sur les portes du conteneur. Ces scanners combinés OCR/OFR étaient déjà plus performants mais la procédure restait la même: comparer les informations provenant d'une caméra avec une base de données contenant des formes préalablement introduites.

Une nouvelle couche : les réseaux neuronaux
Aujourd’hui, une nouvelle couche vient s’ajouter sous la forme de l’intelligence artificielle. La société belge Camco est un précurseur dans ce domaine. Alain Buyle, directeur du marketing, nous explique de quoi il s’agit : « Nous avons développé une technologie intelligente qui augmente sensiblement le taux de réussite.

Je donne l’exemple de la détection des plaques d’immatriculation de camions : nous avions quatre cas où les scores de réussite variaient de 76,9 à 93%. Grâce à la technologie CNN (Convolutional Neural Networks) combinée avec l’OCR/OFR, ce taux a été amélioré de 91,6 à 99,8%. Cette différence représente un nombre énorme de conteneurs qui ne nécessitent plus de vérification humaine. » Un système CNN est habituellement constitué d’une couche d’entrée, d’une série de couches cachées et d’une couche de sortie ou de prévision.

DGrâce à l’OCR/OFR, il est possible de vérifier notamment le numéro du conteneur, le code ISO, le volume, le poids, le positionnement du conteneur, la classification de la cargaison et la présence de scellés de sécurité sur les portes du conteneur. Le CNN optimisera ce processus de vérification grâce à l’ajout d’une intelligence artificielle basée sur des algorithmes et une base de données. (Photo Camco)

« Les couches de convolution cachées traitent l’image d’entrée un peu comme notre cerveau traite les signaux des nerfs optiques. Les neurones (artificiels) dans chaque couche sont entraînés pour réagir à des stimuli ou caractéristiques spécifiques dans l’image : on commence par le niveau ‘le plus bas’ avec des lignes et des couleurs, puis on passe à des caractéristiques de plus en plus complexes comme les silhouettes et des parties d’objets.

Toutes ces informations réunies sont ensuite transformées en une prévision finale et un degré de probabilité pour chaque image. Si ce degré minimum n’est pas atteint, une vérification humaine est nécessaire. Comme nous disposons d’une base de données gigantesque qui contient des millions de photos et qui est constamment enrichie, ce système s’améliore en permanence et permet de prendre des décisions intelligentes. Ce processus serait beaucoup plus complexe avec un LiDar ou d’autres technologies de mappage.»

Les équipements matériels aux endroits critiques
Contrôler tous les conteneurs dans la pratique s’apparente toutefois à un travail de Sisyphe. Buyle : « Le matériel est constitué de caméras 2D performantes et de scanners linéaires. Nous les plaçons en trois points de transfert critiques où les conteneurs sont transférés. » Un premier point se trouve à l’‘arrivée des camions dans le port, un deuxième point dans le Land Side Transfer Point (LSTP) où s’effectue le déchargement du conteneur. Le dernier point est le placement du conteneur sur le bateau. La configuration dépend des informations que l’utilisateur veut obtenir.

«Normalement, nous travaillons avec une configuration redondante, à savoir trois scanners linéaires qui scannent les faces latérales et la face supérieure et deux caméras matricielles 2D qui photographient le haut et l’arrière du conteneur. Par ailleurs, deux autres caméras scannent la plaque d’immatriculation. » L’ensemble est pourvu d’un projecteur à LED pour garantir une luminosité constante. Pour des raisons de vitesse de traitement et de fiabilité, le logiciel de reconnaissance est placé dans le boîtier des caméras.

«Le traitement d’image et l’analyse s’effectuent ainsi directement via des processeurs Intel i3 intégrés, sans étapes intermédiaires chronophages. Pour la reconnaissance des plaques d’immatriculation, nous pouvons aller encore plus loin et nous prévoyons un module Jetson TX2 NVIDIA ou Coral Accelerator avec Google Edge TPU. Cela permet de faire des analyses plus complexes et plus efficaces à une excellente vitesse.

Nous réalisons la troisième et dernière vérification au moment du chargement des conteneurs sur le bateau. Cela se fait ‘à la volée’. Les caméras sont montées sur un rail de guidage et se déplacent en fonction des informations qu’elles reçoivent du PLC de la grue. Ceci permet par exemple de contrôler les numéros de conteneurs, pour être sûr que le bon conteneur sera placé au bon endroit dans le bateau.»

Les informations souhaitées sont lues à l’arrivée du camion (Truck Gate - en bas à droite), lors du transfert du conteneur (LSTP-Land Side Transfer Point - en bas à droite) et lors du chargement sur le bateau. (Photo Camco)

Des points à améliorer ?
« Naturellement, il faut satisfaire certaines conditions pour atteindre les taux de réussite indiqués. Une première condition est la qualité d’image car même le logiciel le plus puissant verra ses performances réduites avec des images médiocres, d’où l’importance du choix du matériel. La diversité des inscriptions sur les conteneurs est un autre problème.

Il y a tellement de facteurs différents qui entrent en jeu : la taille, la couleur, la texture, la position des chiffres et des lettres, parfois il en manque une partie, parfois le conteneur est justement défoncé à l’endroit où se trouvent des lettres, la luminosité peut varier ...

Il arrive que certaines mentions sur les conteneurs aient été repeintes ou qu’il faille déchiffrer des caractères asiatiques. Le principal obstacle, c’est l’imprévisibilité. C’est ce qui explique pourquoi la base de données d’échantillons doit être aussi grande et pourquoi la qualité des algorithmes et des matériels utilisés est aussi importante. »


Par Sammy Soetaert