Les robots futurs: inspirés par la nature, affinés par l’homme

Les robots sont devenus indissociables de la société contemporaine. Ils se déclinent sous toutes les formes et dans toutes les teintes : des machines lourdes à vocation industrielle aux appareils électroménagers en vogue.

Mots clés: #IA, #imec, #robot, #VUB

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In the field

( Photo: Kelly Merckaert/Brubotics/imec-VUB )

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ENGINEERINGNET.BE - Toujours est-il que l’industrie robotique connaît un développement accéléré. Il est donc grand temps que la société civile lance le débat sur l’esthétique et le potentiel futurs des robots.

À cet égard, nous sommes à un tournant. Devons-nous opter résolument pour le développement de robots humanoïdes qui se différencient à peine du commun des mortels ? Ou bien, la morphologie des robots de la prochaine génération ne mérite-t-elle que quelques retouches cosmétiques et la conception de modèles multifonctionnels ne requiert-elle pas toute notre attention de sorte que nous puissions continuer à cultiver notre ‘humanité’ ?

Nous sommes déjà convaincus que la deuxième option est la meilleure. Mais alors, il faut que les robots gagnent sensiblement en polyvalence et ne se soient plus condamnés à exécuter (interminablement) un nombre restreint de tâches répétitives, mais aussi à même d’interagir intelligemment avec leur environnement et les hommes qui les entourent.

Cette puce neuromorphique conçue par imec jette les bases d’un réseau neuronal apte à l’intégration d’une intelligence périphérique très réactive (s’apparentant à nos cinq sens). En outre, ce réseau est à même de s’adapter sur la base des données locales recueillies ; en d’autres termes, d’apprendre. (Photo imec)

 

Pour ce faire, les robots doivent jouir de sens comparables à ceux de l’homme ; à savoir, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Idéalement, nous devrions même les doter d’un sixième sens, une sorte d’intuition artificielle. Ce ne sera pas chose facile. Mais la nature et plusieurs millions d’années d’évolution humaine constituent à cet égard une source d’inspiration précieuse.

Kathleen Philips est vice-présidente de la division R&D d’imec et Directrice générale du site imec situé à Eindhoven, Holst Centre, Pays-Bas. Philips a entamé sa carrière chez imec en 2007. Auparavant, cette dernière a exercé, pendant une douzaine d’années les fonctions de Senior research scientist auprès de Philips Research. Au terme de ses études à la KU Leuven, Philips s’est vu décerner un doctorat en électrotechnique par la Technische Universiteit Eindhoven (Pays-Bas).

Le défi majeur réside dans la réplication de notre organe le plus conséquent   
Ces dernières années, nous avons équipé nos robots de systèmes sensoriels visuels et auditifs. Mais doter les robots d’un sens du toucher et les rendre conscients du fait que des hommes sont en activité dans leur environnement immédiat est un défi d’un autre ordre de grandeur. Nous ne sommes pas près d’y parvenir avec les capteurs tactiles assez rudimentaires dont nous disposons aujourd’hui. De plus, les délicates mains humanoïdes ou les pinces de préhension robotisées et peu maniables que nous utilisons pour le moment ne font pas l’affaire. 

En effet, leur fonctionnalité est trop limitée. Nous devrions plutôt équiper nos robots d’une réplique de l’organe humain le plus conséquent : notre peau. En comparaison avec son équivalent humain, une peau de robot pourrait même comporter un certain nombre de fonctions supplémentaires. Imaginez un environnement où hommes et robots coexisteraient et coopéreraient en bonne intelligence. Il faudrait équiper un robot de telle sorte qu’il ne puisse jamais heurter, fût-ce accidentellement, les personnes alentours, quel que soit le degré d’imprévisibilité de leurs actes. Cela implique qu’une peau de robot doit répondre à différentes exigences techniques et pratiques.

Ainsi, les capteurs sous-jacents se doivent, par exemple, d’être étirables et souples de telle sorte que les robots puissent manipuler aussi bien des pièces délicates que des objets robustes. Une autre considération importante réside dans le fait qu’une peau de robot doit présenter une résistance certaine contre toute charge mécanique constante (par opposition aux capteurs actuels, soigneusement dissimulés dans l’'organisme' d’un robot).

Pour garantir la sécurité des personnes présentes, il faudrait pourvoir toute peau de robot d’une série de capteurs anticollision couvrant un angle de 360° autour de ce dernier. La création d’un organe ‘similidermique’ de cette nature nécessite d’abord de disposer du matériel adéquat. Mais il est au moins aussi important que nous parvenions à sensibiliser les robots au contexte dans lequel ils sont actifs et à les doter d’une forme d’intuition artificielle. 

Ne vous contentez pas de dire IA, mais IA extrême   
Lorsqu’un individu ramasse une pièce de monnaie posée sur une table, il interagit inconsciemment avec cette table en déplaçant la pièce vers le haut ou le bas pour s’en saisir plus facilement. C’est parce que les hommes sont sensibles au contexte et agissent de manière intuitive. Pour conférer aux robots une sensibilité contextuelle et une intuition comparables et les aider à interagir de manière imperceptible avec leur environnement, nous devrons faire appel à une forme particulière d’intelligence artificielle (IA), à savoir l’IA extrême.

En tant que professeur de robotique, Bram Vanderborght  est associé au centre BruBotics (VUB) et à l’imec. Ses travaux de recherche portent entre autres sur l’usage d’actionneurs doux et autorégénérateurs pour les interactions homme-robot à caractère cognitif et physique dans des domaines d’application tels que la santé et la production. 

L’IA extrême autorise le traitement local rapide et efficace des données transmises par les capteurs. Cette vitesse de traitement élevée permet aux robots de prendre rapidement des décisions sans surcharger leur unité centrale. Et ce en faisant preuve d’une grande sobriété énergétique. Comme l’IA extrême ne requiert dorénavant ni l’échange ni l’enregistrement d’une foule de données (non pertinentes), ces robots gèrent de manière optimale la capacité restreinte de leurs accus. En outre, les travaux visant à doter à terme les robots d’une forme d’intuition artificielle prendront pour point de départ l’intelligence artificielle.

Inspirés par la nature, affinés par l’homme   
Pour le moment, ni le développement d’une peau de robot ni l’intégration d’une intuition artificielle n’ont fait l’objet d’un programme par étapes. Mais la nature et plusieurs millions d’années d’évolution humaine devraient constituer une source d’inspiration précieuse. Le cerveau et le corps de l’homme sont les meilleurs exemples dont pourrait s’inspirer une architecture de robot intelligente et économe en énergie.

Les gens se meuvent, travaillent et interagissent avec leur environnement avec un maximum d’efficacité en dépit d’une consommation d’énergie sensiblement inférieure à celle des robots de la génération actuelle. Mais il va sans dire que l’évolution humaine se caractérise par un certain nombre d’imperfections ; autant de faiblesses auxquelles l’homme parvient désormais à remédier grâce à son ingéniosité et ses aptitudes techniques.

Cette créativité devrait déboucher sur une technologie robotique qui nous prête main-forte en cas de nécessité, nous aide à dépasser nos limitations physiques et nous épaule en toutes circonstances.

En améliorant l’autonomie et la polyvalence des robots et les dotant d’un sens du toucher, nous ouvrons grand la porte à un avenir épanouissant où nous pourrons consacrer plus de temps à ces activités dans lesquelles nous excellons : l’éducation et la formation de nos enfants, le souci du bien-être d’autrui ainsi que la concrétisation de notre créativité et de nos rêves les plus débridés.

Nous nous préparons à un avenir dans lequel nous pourrons œuvrer à l’avènement d’une société meilleure et plus inclusive.