ENGINEERINGNET.BE - L’entreprise a été rachetée par le groupe Hexagon en 2018. Depuis lors, elle a quadruplé son chiffre d’affaires et décuplé son profit. Elle est aujourd’hui active dans plus de 80 pays.
« Nous avons encore un gros potentiel de croissance », dit Mathieu Glas, responsable Ventes EMEA. « Notre croissance annuelle a été de 30 à 40% durant les cinq dernières années. Même pendant la crise du Covid, nous avons continué de croître. » Bricsys sert différents marchés : architecture, ingénierie, construction, industrie manufacturière et génie civil.
Un projet de construction implique beaucoup plus de parties que par le passé, et de ce fait exige de collaborer davantage. Construire est un processus relativement séquentiel, de sorte que toute confusion ou imprécision dans le planning réduit fortement l’efficacité. « Le BIM permet de tout modéliser à l’avance, d’avoir une vision claire du futur, de détecter les difficultés avant qu’elles surviennent et de résoudre les futurs problèmes sur plan. »
Le BIM crée et gère des informations tout au long du cycle de vie d’un projet de construction. Le modèle BIM 3D avec ses données facilite la communication entre participants, qui ont chacun leurs propres outils et besoins dans le processus de construction. « Cependant, la plupart des logiciels utilisés aujourd’hui ne sont pas réellement conçus pour communiquer », remarque Glas.
La plupart des solutions logicielles existent depuis plusieurs décennies et n’ont pas été conçues pour collaborer étant donné que les fournisseurs ont développé un format de fichier spécifique, un environnement fermé. Par conséquent, tout échange entre environnements de ce type est forcément problématique. Les tentatives de résoudre ce problème de communication ne date pas d’aujourd’hui.
« Pour nous, il est essentiel d’utiliser des formats ouverts », dit Glas. « C’est un bien nécessaire ». Bricsys, membre fondateur de l’Open Design Alliance, a rejoint en 2016 l’association buildingSMART, au travers de laquelle l’entreprise participe activement à plusieurs groupes de travail.
buildingSMART et les formats .dwg et IFC
Avec le format IFC (Industry Foundation Classes), l’association buildingSMART a développé un format de fichier ouvert qui permet de partager des informations durant tout le cycle de vie d’un projet ou actif. Il y a cependant encore des difficultés « car tous les fournisseurs n’ont pas la même motivation à participer, les plus importants préférant rester dans leur propre écosystème.
Le choix d’une ‘communication ouverte’ est donc directement lié au portefeuille de produits ainsi qu’à la position et au positionnement sur le marché », admet Glas. Bricsys a dès le début opté pour le format de fichier ouvert. Le format de fichier natif, dans lequel tous ses logiciels et modèles BIM sont écrits, est le très répandu format .dwg. « Notre modèle BIM, la géométrie 3D, utilise le format .dwg, mais la structure des données sauvegardées à l’arrière-plan utilise déjà le format IFC. Le modèle de données dans BricsCAD BIM a la même structure que celle du format IFC. »
La géométrie doit donc encore être traduite en format IFC alors que les données le sont déjà. Le format IFC fournit une description numérique standardisée du bâtiment. C’est un standard international qui a obtenu la certification ISO en 2013. L’idée n’est pas d’autoriser la modification des fichiers IFC, chacun doit rester propriétaire de ses propres fichiers, mais le ‘fichier intermédiaire’ IFC rend la collaboration possible. « On peut le comparer à un fichier PDF. L’utilisation du format de fichier n’est soumise à aucune restriction. » Il ne faut pas confondre format de fichier ouvert avec open source.
Obstacles à la communication
Les directives et besoins varient d’un pays à l’autre, tout comme les règles de construction locales. « Mis à part les pays nordiques, où le format IFC est une évidence, une valeur sûre, l’adoption reste modeste dans les autres pays et il y a encore beaucoup de pain sur la planche », dit Glas.
« On note un retard de l’offre des fournisseurs par rapport aux besoins du marché. » Tout n’est pas noir ou blanc.
« Certains acteurs qui utilisent IFC ne sont pas entièrement engagés. » Aujourd’hui, un fournisseur peut obtenir une certification pour l’import/export de fichiers IFC, après quelques tests. Cependant, le label n’indique pas le nombre d’erreurs éventuellement commises, ni le score obtenu par le fournisseur. « Cependant, à chaque itération du format IFC, les limites sont mieux précisées », temporise Glas.
« Le BIM exige de collaborer et de partager l’information, et donc de se faire confiance. » Au bout du compte, c’est l’utilisateur qui choisit un fournisseur offrant une solution d’import/export IFC de qualité.
Acheter, louer, s’abonner, …
« A l’ère Netflix, tout semble fonctionner par abonnement. Mais cela ne va pas de soi pour tout le monde. Nous ne ‘forçons’ personne à opter pour la location. Le client choisit ce qui convient le mieux à son entreprise. La plupart des clients optent pour la formule ‘perpétuel’. » Parallèlement à la formule ‘licence’, la location est aussi une option, bien qu’elle présente quelques inconvénients, soulignés par Glas.
« Maintenant que les crises se succèdent l’une après l’autre, il peut arriver qu’une entreprise doive réduire ses frais de souscriptions … ce qui met un terme au contrat de location. Mais si vous achetez le logiciel, vous pouvez continuer à travailler, il y a une garantie. Nous voulons rester le plus accessible possible, et le plus possible concentré sur l’utilisateur. »
Glas considère que le modèle de tarification ‘One user, One seat’ (une seule session par utilisateur) de certains fournisseurs est une menace pour l’adoption des logiciels BIM. « Avec ça licence, le client paie une souscription par utilisateur. Cependant, beaucoup d’entreprises emploient de multiples utilisateurs sporadiques, qui ne lisent un plan ou exécutent une simulation qu’occasionnellement. »
Pensez à un chef de chantier ou à un vendeur, par exemple. Ces entreprises ont donc tout intérêt à acquérir une licence dite ‘flottante’, avec laquelle vous payez pour des ‘utilisateurs simultanés’ et pas pour chaque personne susceptible de s’asseoir un jour derrière le clavier. « Beaucoup de fournisseurs n’offrent plus ce type de licence ‘réseau’, alors que beaucoup d’entreprises l’utilisent. » BricsCAD est une formule ‘une plateforme, un installateur’, qui offre différentes options selon la licence.
« Les options peuvent par exemple inclure le dessin 2D, la modélisation 3D et le design BIM ou mécanique, le tout dans le familier et répandu format .dwg. Le concept ‘une plateforme’ permet aussi de combiner les procédures BIM et Manufacturing dans BricsCAD Ultimate, ce qui est fort intéressant par ex. pour les fournisseurs d’échafaudages ou les constructeurs d’ascenseurs ou façades, qui autrement devraient les gérer avec plusieurs outils.
Un autre avantage du concept ‘une plateforme’ est la liberté, selon le projet, de travailler en 2D ou avec BIM sans devoir changer d’outil ou de format de fichier. C’est ce qui nous rend uniques. »
Hexagon et IA
Le groupe Hexagon a racheté Bricsys il y a quatre ans. « Nous gardons notre indépendance, mais recherchons quand même des synergies au sein du groupe. » Ainsi, CloudWorx de Leica Geosystems utilise maintenant aussi BricsCAD. « Il est possible d’y charger les nuages de points pour construire une géométrie dans le système CAD. »
Bricsys a accès aux équipes d’autres divisions qui vendent ses produits. Les véritables synergies exigent un peu de temps « mais notre collaboration nous a déjà permis d’acquérir de gros clients. Hexagon est plus connu en tant que nom (le groupe compte plus de 150 entreprises) et de ce fait augmente la notoriété et la confiance dans la marque lorsque nous entrons sur le marché.
Bricsys a l’ambition d’être l’entreprise la plus à l’écoute de sa clientèle dans le monde CAD », précise Glas. Le catalogue offre des variantes pour géomètres, architectes, entreprises de construction, mais aussi chefs de chantier, vendeurs et également concepteurs de machines avec BricsCAD Mechanical. Les workflows 2D et 3D des entreprises peuvent encore être améliorés.
« Pensez à ce que l’IA et l’apprentissage automatisé peuvent faire pour l’utilisateur d’un logiciel de conception 2D ou 3D », explique Glas, qui constate que beaucoup d’architectes passent encore 70% de leur temps sur des plans 2D. Ils méritent eux aussi qu’on s’intéresse à eux et qu’on leur propose de nouveaux outils leur permettant de gagner du temps et supprimer certaines tâches dans les procédures de conception et documentation.
Ouverture
Mathieu Glas, responsable Ventes EMEA, souligne le caractère ouvert des produits Bricsys. « Il est possible de s’intégrer soi-même avec BricsCAD via nos interfaces de programmation (API) accessibles. Mais il y a aussi un large écosystème de développeurs qui répondent à des besoins verticaux et dont les logiciels utilisent BricsCAD.
Tout est regroupé sur une plateforme centrale dans un format de fichier unique. » Les développeurs ne paient pas de droits pour développer sur les API de Bricsys et pour vendre leurs produits sur son App Store. « Nous avons modifié les API d’AutoCAD par ingénierie inverse pour qu’ils tournent sur BricsCAD. » Tout est techniquement compatible, avec une interface équivalente.
La connexion sibérienne
«Nous nous concentrons sur le produit », dit Mathieu Glas. Bricsys compte quelques 270 employés, dont plus de 60% de développeurs. « Nous avons toujours notre siège à Gand, où travaillent aujourd’hui quelques 80 collaborateurs. Nous avons aussi des collaborateurs en Slovénie et en Russie. » Le service client est principalement basé en Roumanie tandis que les pôles commerciaux sont implantés à Singapour et aux États-Unis. Bricsys a une cinquantaine d’employés à Nizhny Novgorod en Russie et à Novosibirsk en Sibérie.
« Notre moteur de modélisation 3D est en réalité une acquisition de technologie russe », précise Glas. En 2011, Bricsys a acquis des droits de propriété intellectuelle pour la modélisation directe de LEDAS en Sibérie. Bricsys a fondé là-bas sa filiale Bricsys Technologies Russia et a continué de renforcer l’activité de ses centres de développement. La guerre en Ukraine est donc un défi pour Bricsys.
« La question est de savoir comment contrôler les risques. Nous avons décidé que nos employés continuent à travailler sur place. Mais en tant que groupe, nous n’allons pour l’instant plus rien vendre de nouveau en Russie, ni logiciel ni matériel. Nous n’y acceptons plus de nouveaux clients, mais nos clients existants peuvent continuer à utiliser leurs logiciels. Une fois acheté, les logiciels vous appartiennent. »