Le molybdène: matériau stratégique dans la zone du canal de Gand

La société gantoise Molymet Belgium, leader européen en production de molybdène, produira annuellement dans son département 9.000 tonnes de (tri)oxyde de molybdène ou PurOx chimiquement pur. Ce dernier est d'importance majeure pour la transition verte.

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Matériaux

( Photo: Molymet )

ENGINEERINGNET.BE - Avec le PurOx en plus, Molymet ouvre son marché. Les applications se déclinent dans les domaines des catalyseurs, de l'automobile, des composants électroniques, des écrans LCD/TFT, des cartes de circuits imprimés, etc. Molymet s'adressait auparavant à ces marchés avec des productions par lots en provenance du Chili. Cependant, le coronavirus a illustré les limites des chaînes d’approvisionnement.

Certains matériaux sont également géo critiques. D'où l'importance de la lettre d'intention signée récemment par Molymet avec la société canadienne Greenland Resources; cette dernière envisage de démarrer une nouvelle production de molybdène au Groenland. Le projet de mine à ciel ouvert est maintenant en phase d'autorisation. Il s'agit d'une évolution stratégique très positive tant pour Molymet Belgique que pour l'ensemble de l'Europe.

98 ans d'activité industrielle 
Le vingtième anniversaire de Molymet Belgique a été célébré en même temps que l'ouverture du département PurOx, un investissement de plus de 50 millions d'euros. Le site situé dans la zone du canal de Gand développe une activité industrielle depuis 98 ans. Il faisait autre-fois partie d'une centrale électrique d'Electrabel. Sadaci reprenait le site. C'était une entreprise métallochimique appartenant à la SA Sadacem, elle-même appartenant au groupe Gechem, filiale chimique de la Société Générale. Sadaci était reprise par la société chilienne Molymet en 2003; elle possède toujours des installations de production au Chili, au Mexique et en Allemagne. Au cours des vingt dernières années,

Molymet investissait environ 200 millions d'euros sur le site belge. De par la rénovation du four de grillage en 2011 (aujourd'hui le plus grand au monde, il est à seize étages), la production annuelle a progressé de 14.000 à 17.000 tonnes de concentrés de molybdène: oxyde de molybdène technique, briquettes d'oxyde de molybdène et ferromolybdène (FeMo). En 2015, l'installation de briquetage était entièrement rénovée.

PurOx 
À l'été 2017, Sadaci décidait de construire un nouveau département pour la production de (tri)oxyde de molybdène de haute pureté: le PurOx.  
Le (tri)oxyde de molybdène pur est utilisé dans les plaques de base des semi-conducteurs, dans les électrodes des fours et dans les catalyseurs qui éliminent le soufre du diesel. Il est aussi incorporé dans les couches adhésives pour les écrans TFT, les superalliages … La technologie repose sur un procédé propriétaire chilien. «Le processus de production de PurOx commence ici, contrairement au Chili, à partir de 'Roasted Molybdenum Concentrate' (RMC)», explique Nele Van Roey, responsable environnement, sécurité et qualité chez Molymet Belgique. L’économie circulaire, par exemple, reçoit ici davantage d’attention.

Dans le haut fourneau de grillage à seize étages de Molymet Belgium le minerai est porté de 600 °C à 700 °C puis purifié étage par étage. (©Molymet)

L'installation comprend notamment un système de recyclage de l'ammoniac. L'ammonium est utilisé dans le processus, est à nouveau extrait puis recyclé. Cette méthode est très spécifique à cette installation et sert également à épurer l'eau du département. Trévi construisait un traitement physico-chimique de filtration sur sable en deux étapes pour éliminer les impuretés dans le cadre de ce nouveau procédé de fabrication. L'étape de filtration prévient toute perturbation de l'étape suivante du process. L'installation a une capacité de 4 m³/h. Tout comme pour la production RMC, le département fonctionnera en continu. Aujourd’hui, les deux tiers de cette usine sont déjà opérationnels. En phase de démarrage, l'installation est utilisée pour l'élimination du cuivre. D'ici novembre, le but est de précipiter et récupérer les autres impuretés (arsenic, phosphore, etc.) dans le traitement d'eau.

Basculement entre les applications inox et les produits chimiques purs à 99,99% 
Molymet Belgium était spécialisée dans le molybdène et le vanadium et était même leader mondial en production de manganèse. Depuis le rachat, toute l'attention s'est portée sur le molybdène en vue de la production de matériaux tel l'inox 316. Molymet démarre le process avec des minerais de sulfure de molybdène. «Ce sont principalement des sous-produits de l'extraction du cuivre», explique Van Roey. Ils proviennent du monde entier par bateau jusqu'à Anvers ou Rotterdam puis sont transportés par camion jusqu'à Gand. L'entreprise produit ainsi du RMC en poudre ou en briquettes et en alliage ferreux (FeMo). Le RMC contient environ 57% de molybdène et ca. 0,5% de cuivre avec des fractions encore plus faibles de soufre, de carbone et d'autres éléments.

Il est utilisé dans l'industrie sidérurgique sous forme de poudre ou de briquettes. Dans le haut fourneau de grillage, le minerai est porté de 600 °C à 700 °C puis purifié étage par étage. La production de molybdène de Molymet se fait en continu. Les concentrés bruts sont traités, le carbone et le soufre sont éliminés, libérant également de l'acide sulfurique pur à 97%. Deux autres produits sont le FeMo et le PurOx. Avec en plus, des scories de FeMo. C'est un sous-produit de la production de métaux utilisé dans la construction de routes sous forme de fractions de gravier et de sable. La production du FeMo est un process par lots. «Le défi est de pouvoir basculer entre nos produits techniques avec lesquels nous nous concentrons sur les applications en inox et les produits chimiques purs à 99,99%.»

La croissance dans le collimateur 
«Quoique l'industrie sidérurgique européenne soit à un niveau relativement stable, nous nous sommes tout de même focalisés sur la croissance», déclare Van Roey. Molymet peut séduire de nouveaux clients dans la chimie fine et l'électronique avec son trioxyde de molybdène ou PurOx. Cette production, qui atteindra bientôt une capacité de 9.000 tonnes/an, est toutefois conçue pour permettre une croissance ultérieure. Le leitmotiv est  
«Surfer sur la vague de la transition verte». Les applications chimiques seront toujours plus ou moins liées au traitement des métaux, estime Van Roey. Il ne s’agit pas tant de liquides ou de pigments.

Un suivi qualité est crucial. Il commence au quai de déchargement. «L'approvisionnement en matières premières est crucial pour la production», explique Van Roey. Tous les produits entrants et les flux intermédiaires sont analysés … Les clients du PurOx sont déjà connus actuellement. Ce sont les mêmes qui acquéraient auparavant le PurOx du Chili. Le nouveau département exige environ 30 nouveaux membres du personnel. Des opérateurs process, des techniciens de maintenance … doivent encore compléter l'équipe. L'entreprise, qui emploie aujourd'hui 165 personnes, est toujours à la recherche de talents.

« Quoique l'industrie sidérurgique euro-péenne soit à un niveau relativement stable, nous nous sommes tout de même focalisés sur la croissance », déclare Nele Van Roey (©Molymet)

Mo et éoliennes 
Le molybdène est utilisé dans les alliages d'acier à haute résilience, avec des applications dans les éoliennes par exemple. Alors que les éoliennes deviennent de plus en plus puissantes (bientôt 15 à 20 MW) et donc aussi de plus en plus grandes et hautes, les efforts sur la tour, les pales et la turbine (l'arbre d'entraînement, les engrenages de la boîte de vitesses, les paliers à roulements) s'accroissent également. Pour absorber ces forces, il faudra de plus en plus d’acier HR, permettant de construire des structures plus légères. Cela nécessitera cependant aussi plus de molybdène. C'est déjà le cas aujourd'hui. Une turbine intègre déjà près de 100 à 120 kg de Mo par MW installé. Actuellement, cette industrie travaille fréquemment avec des alliages contenant 0,2% de Mo. Il apparaît pourtant que les composants contenant des alliages contenant jusqu'à 0,5% de Mo ont une durée de vie accrue. Les turbines à entraînement direct constituent une alternative. Ceux-ci contiennent des aimants permanents contenant des masses de terres rares. La Chine dispose aujourd’hui d’un quasi-monopole. La demande de Mo va donc de toute façon augmenter.