ENGINEERINGNET.BE - Pendant la crise du coronavirus, tout s'est bien passé pour eux, mais depuis lors, plusieurs frissons ont parcouru le secteur. De nombreux constructeurs de machines sont des ‘entreprises familiales’; elles doivent leur succès à leurs personnalisations et à leur intégration verticale. Parfois aussi à leur diversification géographique et à leurs marchés diversifiés.
La digitalisation toujours croissante porte l’efficacité de leurs machines à des sommets sans précédent. La Belgique par exemple produit les machines de tissage au jet d’air les plus rapides au monde. Les logiciels apportent de la transparence. Les systèmes d’apprentissage existent depuis un certain temps, mais on attend beaucoup de l’intelligence artificielle dans toutes sortes de spécialités.
«Nous rendons notre technologie viable pour la relocalisation de la production», déclare Sigurn Vandenbrande (46 ans); il est le PDG du constructeur de machines alostois centenaire Gilbos qui automatise entièrement le processus de cantrage ou ‘creeling’: nettoyer les bobines, les transporter jusqu'au cantre, épisser/joindre les extrémités des fils et passer automatiquement d'une bobine à l'autre dans le rack. «La solution, que nous présenterons au salon, n'est pas liée au déplacement des bobines elles-mêmes, mais à leur transfert sur des racks. Plus aucune main d'œuvre n'est désormais nécessaire.
Nos Automated Creel Solutions offrent un RSI de moins de trois ans.» La solution brevetée a mis quatre ans à être élaborée. «Nous démarrions le dossier Vlaio le 1er mai de l'année du coronavirus. Toute notre équipe R&D travaillait à l'époque de chez soi. Le résultat en valait finalement la peine. Nous organisions quotidiennement une réunion d'équipe du type ‘Comment ça va’.» L’innovation est payante. L’équipe R&D est depuis passée de 10 à 14 personnes. Utilisant l'automatisation comme commun dénominateur, Vandenbrande considère la relocalisation comme une ‘tendance générale’. En effet, il est très difficile de trouver les opérateurs process requis.
Et pas seulement ici. «La Chine aussi s'oriente vers l’automatisation. La rotation importante du personnel y crée des problèmes de qualité. Seule l’automatisation permet de résoudre les erreurs humaines.» Gilbos ne construit pas seulement des machines pour la production de gros fils pour l'industrie du tapis et de fils techniques. Elle ouvre également ses ateliers aux tiers. Comme par exemple pour faire le soudage de cadres en aluminium des speed pédélecs d'ÅSKA Bikes.
Récession inévitable
«Nous ne craignons pas de montrer des innovations brevetées», déclare Luc Tack, directeur de Picanol; il fait tourner sur son stand une douzaine de machines à lances et au jet d'air. Il faisait référence à la nouvelle machine à tisser à lances Ultimax qui sera livrée à partir de 2024. La construction rigide du nouveau cadre en fait une bête de production dynamique. La machine devrait bientôt fonctionner avec des fils 100% recyclés. «Les fibres recyclées sont plus courtes, plus fragiles et plus poussiéreuses.
Notre machine saisit les fils plus doucement tout en atteignant des vitesses plus élevées. La machine est également construite de telle manière à évacuer la poussière plus facilement.» Des capteurs intégrés sont par exemple chargés de surveiller la température des blocs de refroidissement de la bande de préhension. Leurs données sont utilisées pour conseiller la maintenance et déterminer les types d'interventions. La machine tourne sur la plateforme digitale PicConnect. «Les performances de chaque machine sont constamment comparées entre elles. Leur consommation électrique et aéraulique aussi, mais également les arrêts de production et les erreurs de tissage.
L’objectif ultime est de garantir un rendement et une qualité maximum de par une utilisation intelligente des données.» La nouvelle gamme sera plus chère à l’achat «mais nous plaçons également notre proposition de valeur 15% au-dessus de celle de la concurrence.» Avec 1.500 impacts par minute, les yprois disposent de la machine au jet d'air la plus rapide à la foire. Picanol vend de deux manières différentes: par vente de remplacement et par projet greenfield. «Il y en a quelques-uns de ces derniers, mais ils stagnent.» Le financement de grands projets est devenu plus coûteux et plus complexe. Les clients ont également souffert de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. «Mais je ne tremble pas de tous mes membres», dit Tack en souriant. «Personne n'a beaucoup de travail actuellement.» Il qualifie la récession d'‘inévitable’.
«Ce n’est que lorsque le marché connaîtra une forte croissance que les gens achèteront»
Le fabricant de machines à tisser Vandewiele (Marke) présentait trois nouveaux métiers à tisser les tapis. Un tout nouveau métier à tisser devrait augmenter la productivité du client de 50%. Des servomoteurs individuels pour chaque fil maintiennent leur tension constante. Près de 16.000 servos équipent une petite machine à tisser. Sur les plus grosses machines il faut en compter entre 48.000 et 49.000 ! Ils transmettent une alarme en cas de nœud ou de cassure. L'opérateur sait immédiatement où intervenir. La machine dispose également d'un nouveau rack: le Smart Creel numérique; il permet de passer d'un fil à l'autre sans interruption.
Il n’y a aucun fil résiduel ni déchet. «Cela nécessite une prédiction basée sur un algorithme d'apprentissage pour chaque fil», explique Vincent Lampaert, vice-président Technologie. «Nous pouvons également faire varier la tension par “shot”. Cela rend possible des structures complètement nouvelles et donc de nouveaux produits tant dans le domaine des tapis que dans celui des vêtements.» Thomas Beauduin (31 ans), fils du PDG Charles Beauduin ajoute: «Il est impossible d'être compétitif sans construire soi-même ces servos.» L'ingénieur civil en robotique est coordinateur/intégrateur du groupe depuis que Vandewiele a repris début 2021 le groupe italien Savio (métiers à filer, finissage de filés et de fils).
«J’ai d’abord écouté tout le monde pendant trois mois. Ensuite, avec le nouveau PDG issu de l’entreprise, nous avons constitué une équipe de direction solide pour intégrer verticalement l’usine et en construire une nouvelle en Chine.» L'accent était mis sur la complémentarité de Vandewiele, principalement actif dans le textile domestique et de Savio, qui trouve davantage son marché dans l'habillement. Une nouvelle technologie émerge environ tous les dix ans.
«Mais ce n'est que lorsque le marché connaîtra une forte croissance que les ventes s'envoleront», déclarait Philippe Van de Velde, Vice President Sales. «Nous innovons dans le textile, mais nous allons au-delà du textile.» Vandewiele et Savio disposent tous deux de solides départements d'électronique. Ils développent un troisième cycle: celui de la construction d'asservissements et de moteurs pour pompes, compresseurs, entraînements ... La mobilité électrique est visée, notamment avec les camions.
Scanning avec les ondes radio
Les systèmes de contrôle qualité de Hammer-IMS de Herk-de-Stad déterminent l'épaisseur et le poids des tissus et des non-tissés au cours du process en production. Le fabricant peut utiliser ces données pour ajuster le process. La société possède un brevet pour utiliser des ondes radio millimétriques continues pour voir au travers des matériaux et enregistrer les variations de poids. «Les polymères et les céramiques deviennent complètement transparents», déclare Noël Deferm (38 ans), cofondateur et directeur général. Hammer signifie High Accuracy Millimeter Wave Ranging. Le rayon M, développé à la KUL en 2014, envoie une onde radio de faible puissance de 1 à 10 mm (selon l'application) à travers le matériau.
L'onde se reflète sur un ‘miroir’. «Nous mesurons le retard du signal et construisons une carte topographique du matériel qui défile rapidement sur la ligne en production.» Ceci s'exprime en grammage. Selon la largeur de la ligne, plusieurs têtes sont nécessaires. «La technologie est échelonnable. Nous avons déjà construit des installations avec huit têtes sur une seule ligne. La demande existe pour seize et même dix-huit têtes.» Nous jouons sur la longueur d'onde, la plage de mesure ou la précision. Le contrôle de phase est crucial. Les algorithmes font plus que doubler le maximum «physique» actuel de 4.000 grammes/m². Cela débouche sur de nouvelles applications, dans la construction par exemple. Il faut penser à la laine de verre, aux panneaux isolants …; les matériaux dans ces cas peuvent être scannés jusqu'à un demi-mètre d'épaisseur.
Le rayon M s'applique également dans le secteur du stockage d'énergie. Il scanne des films métalliques et des membranes aussi minces que 50 µm. L'année dernière, le capital était accru de 2,5 millions d'euros par Invest for Jobs (Agoria). «Nous voulons en faire usage pour séduire le marché américain, mais aussi développer de nouvelles technologies.» Ici aussi, l'accent est mis sur la personnalisation. Depuis la conception et la conception jusqu'à la programmation du logiciel en passant finalement par l'assemblage des appareils et la configuration matérielle. Les rénovations et l'intégration de têtes de mesure dans des lignes de production entières sont notre focus. L'entreprise recherche actuellement des partenariats avec des fabricants de machines pour y intégrer leur technologie.
«Nous sommes au cœur de la machine de production chez le client. Nous touchons à son process. Les processus de démarrage sont longs en construction mécanique. Il faut parfois plusieurs années avant que les clients modifient leur process en production.» Les clients sont invariablement des producteurs de volumes qui fonctionnent en continu et où de petites variations de poids font finalement une grande différence.
Usines de tri
«De nombreux clients trient les vêtements encore portables. Mais la fraction des vêtements non portables et invendables est en augmentation», explique Dieter Wittouck, PDG de Valvan à Menin. Il construit depuis 25 ans des installations de tri pour les vêtements de seconde main; toutefois, il se concentre ces trois dernières années sur la fraction des non-portables. «Ce marché va continuer à croître, partiellement en raison de la réglementation européenne.» L'entreprise trouve 98% de sa clientèle hors de Belgique. «Il s'agit de projets (globaux) de 1,5 à 10 millions d'euros pour des chaînes de machines triant 50 à 80 tonnes par jour.»
La technologie Hypersort scanne chaque vêtement en fonction du type de fibre et de la couleur, lui attribue une étiquette virtuelle, le transporte et le trie. La ligne utilise le proche infrarouge et un capteur de couleur de caméra; elle trie une tonne par heure pour jusqu'à 50 catégories différentes. «Nous voulons faire le tri jusqu'au niveau de la fibre. Mais pour les ‘blends’ très difficiles, nous atteignons les limites. Lorsqu'un textile est composé de quatre fils différents, par exemple. Ce phénomène s’accentue d’ailleurs.»
Il s'attend à ce que ‘l'obligation de recycler’ pénalise les producteurs de blends trop difficiles … Une fois qu'une certaine catégorie a collecté suffisamment de poids sur la ligne, le bac de collecte se déplace vers la (nouvelle) machine trimclean. Cette dernière distribue les vêtements en pièces faciles et plus difficiles à recycler (avec des fermetures éclair, des impressions lourdes, des logos cousus …) «Une machine fonctionne chez un client aux Pays-Bas. L’autre est ici à la Foire.» Plus tard dans la chaîne, les fibres sont chimiquement décomposées et effilochées. La technologie Hypersort utilise depuis huit ans une IA entraînée. «Nous travaillons désormais sur la manipulation automatique du textile, avec des robots notamment.»
ITMA
L'ITMA de Milan a attiré à la mi-juin plus de 111.000 visiteurs (plus que la précédente édition à Barcelone il y a quatre ans) de 143 pays différents intéressés par la technologie de 1.709 exposants: fibres, filés et fils, tissus, mais aussi filature, tissage, finissage, logiciels, logistique … Contrairement aux autres salons textiles, l'ITMA va au fond des derniers détails. Non seulement le produit final, la toile ou le tissu, mais ce sont surtout les nouvelles machines qui sont présentées. Toutes les heures, ces machines fonctionnent pendant vingt minutes. Un sacré bruit mais ... c'est l'atout de la Foire. La prochaine édition de l'ITMA, qui débutait en 1951, aura lieu en 2027 à Hanovre.
BMSvision
Avec la reprise de Savio Group, Vandewiele a également intégré dans son giron BMSvision, l’expert courtraisien en Manufacturing Execution Systems (initialement fondé par Barco). Depuis lors, BMSvision est le centre de compétences en MES pour l’ensemble du groupe. Même s’il réalise les trois quarts de ses 15 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’extérieur. «Nous veillons à la transparence des différents flux dans l’entreprise», dit Johan Schepers, managing director chez BMSvision. La connaissance des flux de matières, de la main-d’œuvre et des frais d’énergie peut générer plus d’efficacité, un gain de qualité et une réduction des déchets et donc aussi des économies substantielles. «Eviter les arrêts, surveiller la qualité (en ligne) pendant la production et prévoir les erreurs avec l’IA.» Le principal défi ?
«Suivre les évolutions technologiques.»
Périphériques automatiques
«Chaque machine est réalisée sur mesure. Nous assurons la conception et l’intégration», dit Wim Matthys, gérant du fabricant de machines Matthys à Waregem, qui produit et entretient des ‘appareils périphériques’. L’entreprise familiale, qui compte aujourd’hui 120 personnes dans le secteur du textile, tire les trois-quarts des 25 millions eurosde chiffre d’affaires essentiellement dans le domaine des non-tissés: le déroulement, la découpe, la finition, l’enroulement … de matières souples. Le dernier quart provient de l’automatisation et de la robotique. «Jusqu’en 2000, nous étions actifs dans un rayon de 20 km autour de Waregem. Aujourd’hui, 20% de ce que nous produisons en textile restent en Belgique. Le reste part à l’international.» Les principaux débouchés sont l’Allemagne et les Pays-Bas. Les projets s’étendent habituellement sur 10 à 12 mois. A partir de la signature de la commande, la livraison prend 6 à 8 mois.
«Aujourd’hui, nous vendons déjà pour 2025», dit Matthys qui compte quelque 2000 projets par an. Tout va bien. «Les projets des clients sont de plus en plus grands. C’est pourquoi nous construisons un nouveau hall de production de 5.000 m².» Cet investissement de 5 millions euro doit être achevé d’ici la fin de l’année. «D’ici 2025, nous prévoyons d’engager quinze personnes.» Le Groupe Matthys se compose désormais de Motiv nv, une fusion d’Evilo (lignes de confection de tapis, banderoleuses avec étirement automatique, colleuse automatique …) et d’Elektro Industrie Van de Velde (ingénierie électrique, automatisation). MGC Subcontracting assure des opérations de tournage, de fraisage et de production de rouleaux. Du reste, il y a encore De Beleyr-Engineering et Shapes Metalworks. Grâce à l’expertise de chaque entité, Matthys peut profiter d’une intégration verticale.