Des pilules aux impulsions: thérapie électrique du système nerveux périphérique

Imaginons que l’électricité puisse servir de médicament. L'on entre alors dans le domaine de la médecine bioélectronique; c'est une approche révolutionnaire faisant usage de signaux électriques pour communiquer directement avec notre système nerveux.

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Biomedica

( Photo: imec )

ENGINEERINGNET.BE - La médecine bioélectronique stimule électriquement les tissus actifs tels que les nerfs ou les muscles. C'est plus précisément le système nerveux périphérique (SNP) - constitué de nerfs partant du cerveau et de la moelle épinière vers les organes, les membres et les tissus - qui présente un intérêt pour les applications bioélectroniques; en effet, il transmet les signaux du cerveau vers les organes et vice versa. En stimulant électriquement les cellules/nerfs du SNP, l'on atteint à la fois le cerveau et les organes.

L'approche est prometteuse pour les pathologies chroniques 
Les maladies du SNP surviennent lorsque les nerfs périphériques sont endommagés ; ils ne peuvent donc plus transmettre correctement les messages entre le cerveau et les organes ou tissus.  Cela se décline par des problèmes de mouvement musculaire, de toucher, de perception de température et de la douleur. Les médicaments usuels par voie orale ont souvent des effets (secondaires) dans tout le corps et le traitement doit régulièrement être revu pour rester efficaces.

En outre, les médicaments sont souvent développés pour une pathologie très spécifique, tandis que les maladies du SNP englobent toute une série de syndromes. La médecine bioélectronique est une piste à suivre dans ces cas : comme elle agit spécifiquement sur le nerf affecté, les effets secondaires éventuels restent limités et locaux. La thérapie peut être adaptée de manière flexible aux besoins du patient. Il s’agit d’une approche prometteuse pour traiter les maladies chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde, les pathologies chroniques et l’épilepsie.

Défis technologiques 
L'imec se tourne vers la nanotechnologie pour améliorer la technologie relative aux implants pour diverses applications SNP, les rendant plus petits et plus écoénergétiques. Les scientifiques de l'imec travaillent sur une stimulation de plus en plus pointue. Ils recherchent d'une part de nouveaux matériaux pour encapsuler la puce interne et l'électronique de l'implant et d'autre part une solution capable de lire les signaux et de les stimuler si nécessaire, sur la base des signaux enregistrés.

Une stimulation plus spécifique  
L’un des défis actuels de la technologie SPN est la sélectivité limitée des impulsions électriques. Cela devient d’autant plus important vu le besoin de stimuler des nerfs plus complexes, comme le nerf vague. Ce dernier est un faisceau d'un diamètre de 4 mm de fibres nerveuses. Il contient également d’autres types de fibres qui se ramifient et s’enroulent le long des nerfs.

Trouver le bon nerf ou la bonne fibre n’est donc pas si simple. Raison pour laquelle la stimulation des nerfs voisins peut provoquer des effets secondaires locaux involontaires. Les scientifiques de l'imec travaillent donc sur une nouvelle technique pour améliorer la précision de la stimulation nerveuse basée sur des modèles d'interférence de champs électriques de différentes longueurs d'onde. Cela améliorerait non seulement le traitement, mais pourrait également réduire drastiquement les effets secondaires locaux.

Encapsulation avancée d'implants 
Un autre défi consiste à créer un cocon protecteur pour l’implant ; ce dernier reste dans le corps pendant des mois, voire des années. Traditionnellement, la plupart des implants électroniques reposent sur des coques robustes en titane rigide. Cependant, le titane a des limites : sa structure est rigide et ne convient pas aux implants de dimensions micrométriques.

(En haut) Coupe transversale schématique de la puce encapsulée. Les films de polyimide alternés et les couches d'ALD étaient gravés en plusieurs étapes. (En bas) Image au microscope électronique à balayage (MEB) d'une ouverture d'une électrode d'enregistrement montrant le profil en escalier. (©imec)

CMST- un laboratoire associé à l’imec à l'Université de Gand - a développé un procédé pour encapsuler un implant SNP à l'aide de techniques de fabrication de couches minces. Le résultat est une capsule souple et flexible capable de protéger le plus petit implant tout en convenant plus au corps humain que le titane. Pour cette encapsulation, les scientifiques ont utilisé une combinaison unique de polyimide, un polymère précédemment utilisé à cette fin et une combinaison d'oxydes métalliques déposés en couches minces atomiques (Atomic Layer Deposition, ALD).

Le revêtement alterne des couches de polyimide de 5,5 µm d’épaisseur avec des coatings hydrofuges ultrafins (10 à 20 nm) d’oxydes métalliques. Le résultat est une superposition du meilleur des deux mondes : la flexibilité du polyimide et les propriétés barrières des couches ALD. En outre, chaque étape de ce processus se lie sans couture aux techniques conventionnelles de fabrication de couches minces, ouvrant la voie à une production à grande échelle et rentable.

Stimulation basée sur les informations acquises: un système en boucle fermée 
L’un des plus grands défis des technologies futures est d’adapter la stimulation aux paramètres mesurés, c’est-à-dire de créer un système en boucle fermée. Cela signifie que, par exemple, l'on ne peut stimuler l'épilepsie que si une crise est mesurée. Le traitement serait plus efficace et il éviterait une stimulation inutile.

Dans un nouveau projet pour Horizon Europe, l’imec et les partenaires du consortium souhaitent développer un implant qui acquiert les signaux et génère la stimulation en conséquent. L’implant serait placé dans le moignon d’une main amputée et y lirait les signaux dans les nerfs du bras.

Lorsque le patient pense à bouger sa main, les signaux lus se traduisent en mouvement de la main artificielle. Les retours d'information, par exemple sur la position, la force et le mouvement de la main artificielle, sont ensuite lus et transmis sous forme d'impulsions de stimulation au nerf médian. De cette manière, le patient ‘ressent’ le mouvement.

(À gauche) Le lay-out de la puce et (À droite) le diagramme montrant un système qui compresse les données 100 fois en transmettant uniquement les tampons d'événements uniques. (©imec)

Un petit implant écoénergétique 
Pour créer de tels systèmes en boucle fermée, certains aspects de la technologie doivent encore être optimisés. Comme il n'y a pas souvent de place pour une batterie, le système doit consommer le moins d'énergie possible (bien moins que 100 µW) pour permettre une alimentation électrique sans fil.

Ce n’est pas simple pour les systèmes combinant différentes fonctions telles que l’enregistrement et la stimulation d’un signal. L'un des moyens de réduire la consommation d'énergie consiste à enregistrer uniquement les variations au lieu d'un signal continu. Une équipe d’imec Pays-Bas a récemment traduit cette idée en une puce qui n'est active que lorsqu'un changement se produit dans le signal nerveux.

Un coup d'œil sur le futur 
En étudiant tous ces défis, l'imec veut contribuer à la technologie des implants bioélectroniques du futur ; ils seront plus petits et plus écoénergétiques, l'organisme les toléreront mieux et ils seront capables de stimuler de manière très précise.

Cela ouvre de nouvelles voies, à la stimulation du nerf vague par exemple ou à la stimulation en boucle fermée, ce qui rend possible d'autres applications et des thérapies améliorées. À terme, la technologie SNP deviendra une thérapie flexible, efficace et sur mesure pour les patients souffrant de troubles du SNP.