Des chiplets sous le capot de votre prochaine voiture

L’industrie automobile est confrontée à un défi de taille: construire des voitures électriques abordables, dotées de systèmes d’aide à la conduite avancés et consommant peu d’énergie. Ils n’y parviendront pas avec les puces monolithiques classiques.

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( Photo: © imec / AdobeStock )

ENGINEERINGNET.BE - Les chiplets modulaires, conçus pour des sous-tâches spécifiques, que l’on empile ou juxtapose comme des blocs de lego, pourraient bien jouer un rôle crucial sous le capot de la voiture du futur.

Un superordinateur sur roues
Dire que les voitures deviennent des ‘ordinateurs sur roues’ est presque un cliché. Chaque génération de voitures embarque davantage de dispositifs de sécurité, de gadgets et donc d’électronique (pensez aux capteurs, aux assistants IA personnalisés et à une connectivité forte et constante avec l’environnement). Il semble évident que la puissance en calcul d’une CPU ‘normale’ ne va plus suffire à assumer la charge de travail associée aux fonctions avancées d’aide à la conduite, de communication et de divertissement de l’avenir.

Il faudra donc se tourner progressivement vers les superordinateurs. La question clé est de savoir comment concevoir de tels superordinateurs et les intégrer à moindre coût dans une voiture normale. Les voitures actuelles peuvent contenir jusqu’à 1000 puces électroniques – des circuits intégrés complexes capables d’effectuer un certain nombre de tâches. Pour les fournisseurs de puces, l’industrie automobile n’est pas un marché facile car les exigences en fiabilité sont les plus strictes et les volumes sont relativement faibles par rapport au marché des smartphones.

Par ailleurs, le coût de développement des puces plus avancées ne cesse de croitre. Il s’élève par exemple à plus de 10 milliards de dollars pour les derniers produits Nvidia. Si les constructeurs automobiles devaient amortir ce coût sur un million de voitures, cela en ferait une technologie fort coûteuse. Parallèlement à cela, il y a la complexité croissante à traiter les transistors et autres composants dans un concept IC monolithique.

Conséquence : les fournisseurs de puces de voitures sont moins nombreux dans le monde, ce qui fragilise la chaîne d’approvisionnement. Un nœud dans un câble peut pratiquement signifier un délai d’attente supplémentaire pour les personnes souhaitant commander une nouvelle voiture. 

Chiplets: une construction modulaire et flexible
Le concept des chiplets permet de réaliser des superordinateurs autrement. Un chiplet est une petite puce modulaire conçue pour remplir correctement une fonction spécifique et définie : un cœur de processeur, un bloc de mémoire, un pilote E/S ou une unité de traitement du signal. Le principe de base consiste à interconnecter les chiplets de différentes producteurs – et sur différents nœuds – pour former un SoC (system-on-chip) pour des applications spécifiques. Comparez cela à l’agencement d’un ensemble basique de blocs de lego identiques pour construire une variété d’objets. 

Pourquoi travailler avec des chiplets ? Les constructeurs automobiles et les équipementiers (OEM) peuvent créer leur propre ordinateur hautes performances, entièrement optimisé, à partir d’éléments constitutifs disponibles sur le marché, sans avoir à supporter seuls l’intégralité des coûts de développement. Un équipementier peut fabriquer une grande variété de produits, du bon marché au haut de gamme. En outre, les chiplets s’adaptent, se remplacent, se réutilisent et s’actualisent facilement. En cas de défaillance, le risque de devoir tout remplacer est minime. 

Bref, les chiplets sont plus flexibles que les puces complexes d’aujourd’hui, ce qui les rend plus pratiques pour répondre aux innovations ou aux nouvelles législations. Ils sont aussi moins chers. Comme ils sont généralement moins complexes, ils peuvent être produits à une plus grande échelle. C’est également une réponse à la problématique des chaînes d’approvisionnement vulnérables.  

Sur le plan technique, les avantages sont indéniables : en adaptant le concept aux tâches spécifiques, les chiplets peuvent atteindre des meilleures performances. La consommation d’énergie est optimisée. Comment, concrètement? Les sous-fonctions n’ont pas besoin de la technologie la plus avancée : les chiplets IO utilisent par exemple des nœuds plus matures, tandis que les chiplets de calcul nécessitent la technologie la plus avancée et les chiplets de mémoire bénéficient des dernières technologies de mémoire.

Si on parvient à combiner harmonieusement ces technologies, on peut alors déployer des capacités technologiques ciblées, précisément là où elles sont nécessaires, et éviter le gaspillage (d’énergie). En particulier, la capacité de plusieurs chiplets à partager une mémoire réduit les coûts et la consommation d’énergie. Les chiplets peuvent (en théorie) être placés suffisamment près les uns des autres, ce qui réduit le risque de retard du signal (latence) – un défi important dans le traitement instantané de données de capteurs à 360 degrés autour de la voiture. L’effet sur la consommation d’énergie est positif. 

Concrètement, l’introduction de chiplets sous le capot peut signifier moins de processeurs énergivores dans les voitures, moins de systèmes de refroidissement et autres composants que l’on retrouve en standard dans les puces conventionnelles. 
 

Interconnexions: le talon d’Achilles des chiplets
Pour tenir toutes ces promesses, les chiplets sous le capot doivent pouvoir fonctionner comme un ensemble, avec des connexions électriques à large bande passante entre les composants. Des interconnexions solides et ultracourtes sont une condition cruciale à la percée des chiplets dans le secteur automobile.

Dans le programme sur l’intégration de systèmes 3D, Imec mène des recherches sur des interconnexions plus denses et meilleures entre les chiplets, tout en améliorant l’intégration et en réduisant davantage les coûts de production. Il existe actuellement deux pistes : l’intégration de chiplets en 2,5D, où les chiplets sont connectés côte à côte via un substrat ou un interposeur commun, et un SoC 3D à part entière, où les chiplets sont empilés en 3D.  

Une fois les chiplets empilés, l’étape suivante consiste à fournir assez de puissance aux chiplets et à évacuer l’excès de chaleur. Enfin, les chiplets doivent devenir parfaitement ‘interopérables’ et fonctionner ensemble sans problème. Cela nécessite des efforts de standardisation, lesquels devraient être entrepris dès que possible. Un message qui semble avoir résonné lors des dernières conférences sur les chiplets, lesquelles ont accueilli des acteurs de l’ensemble de l’écosystème automobile ont participé. 

C’est précisément parce que l’industrie automobile a des exigences strictes en matière de qualité, de fiabilité, de sécurité et de rentabilité que la collaboration s’avère essentielle. Dernièrement, Imec a lancé le programme de recherche préconcurrentiel ‘automotive chiplet program’ (ACP) pour relever les défis de l’innovation et de la normalisation au-delà des frontières de l’entreprise. 

Ce pourrait être un investissement économiquement judicieux pour les entreprises participantes : un rapport de market.us prévoit une croissance annuelle de 42 pourcents du marché des chiplets. Une chose est sûre : vous entendrez bientôt parler des chiplets dans les voitures.