ENGINEERINGNET.BE - L’un des plus grands défis neuroscientifiques est l’étude des connexions cérébrales.
Même avec les outils d’imagerie modernes, il s’avère difficile d’établir une cartographie détaillée qui montre comment des milliards de cellules cérébrales (neurones) se connectent non seulement avec leurs «voisines», mais aussi avec des cellules plus éloignées dans le cerveau.
Ces représentations cartographiques, appelées connectomes, sont essentielles pour percer les secrets des mécanismes et des troubles cérébraux. Or, les techniques traditionnelles de cartographie cérébrale n’offrent qu’une vue partielle.
Même si les ensembles de données expérimentales ne cessent de s’enrichir, ils sont encore trop fragmentaires pour permettre de reconstituer toutes les connexions révélatrices, en particulier celles qui relient les régions cérébrales éloignées.
Par conséquent, il est encore difficile de comprendre les fonctions cognitives complexes ou de déterminer la cause de certaines maladies neurologiques.
L’équipe d’Henry Markram, professeur au Laboratoire de neuroscience des microcircuits de l’EPFL, a mis au point, dans le cadre du Blue Brain Project de l’EPFL, un moyen de générer une cartographie numérique (ici dite «synthétique»), mais biologiquement réaliste, des connexions à l’échelle du cerveau.
Sous la direction de Lida Kanari, collaboratrice scientifique au Laboratoire pour la topologie et les neurosciences, les scientifiques ont créé des modèles numériques détaillés de la façon dont les neurones déploient leurs connexions dans l’ensemble du cerveau, se rapprochant ainsi des connectomes complets et pouvant être utilisés à la fois dans la recherche et les applications médicales.
En travaillant avec de grands ensembles de données de «reconstructions axonales» biologiques, y compris de nouvelles données collectées en collaboration avec l’équipe du professeur Hanchuan Peng (Université du Sud-Est, Chine), ils ont utilisé l’apprentissage machine pour regrouper les neurones selon leurs schémas de connexion.
Remy Petkantchin, le premier auteur de l’étude, a développé une méthode de calcul puissante qui génère des axones synthétiques correspondant à ces schémas de connexion.
Cette méthode repose sur un modèle mathématique développé en 2022 pour générer des copies numériques de neurones qui imitent la façon dont les neurones réels se ramifient et se connectent à différentes régions du cerveau.
Les axones synthétiques ont été conçus pour suivre les mêmes voies que leurs homologues biologiques, de sorte que les connectomes qui en résultent reflètent les connexions neuronales d’un cerveau réel.
Les axones synthétiques arborent des caractéristiques clés des axones biologiques, notamment leur apparence et leur lieu de connexion.
Lorsque ces axones sont utilisés pour construire des réseaux à l’échelle du cerveau, le connectome obtenu ressemble beaucoup à ceux constitués à partir de données expérimentales, ceci incluant les connexions critiques à longue portée qui relient des zones cérébrales éloignées.
En générant des milliers d’axones synthétiques, l’équipe a créé un modèle numérique du cerveau de la souris présentant des connexions réalistes.
Cela signifie qu’il est désormais possible de combler les lacunes dans les ensembles de données des connectomes existants, d’explorer comment les neurones se connectent à travers le cerveau, voire de tester l’organisation cérébrale, tel qu’il serait impossible de le faire sur des animaux vivants.
Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives neuroscientifiques. Les connectomes numériques peuvent faciliter les simulations cérébrales à grande échelle, aider à mener des expériences et offrir de nouvelles pistes pour comprendre les affections neurologiques.
Bien que l’étude porte sur le cerveau de la souris, les mêmes principes pourraient s’appliquer à d’autres espèces, y compris l’être humain, au fur et à mesure que de nouvelles données seront disponibles. (Auteur: Nik Papageorgiou - Source: EPFL)