Jan Vercammen: "La technologie mène au meilleur des mondes"

Il avait 14 ans et gagnait le jackpot avec Fischertechnik. Lors d'une fête, il donnait aux joueurs 1 sur 10 de doubler leurs 20 francs. «C'était un dimanche lucratif», se souvient Jan Vercammen, PDG du spécialiste de l'IdO et de la digitalisation Rombit.

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Ingénieurs de haut niveau

( Photo: LDS )

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ENGINEERINGNET.BE - Dès son plus jeune âge, il combinait technologie et mercantilisme. Dans les humanités, il n'était pas un étudiant de référence, mais il s'intéressait bien spécialement aux mathématiques. Avec la réserve nécessaire, il entamait des études d'ingénieur industriel. « C'était tout indiqué en ce qui me concerne. » Il terminait sa quatrième année de façon flamboyante et en voulait plus. En profondeur. Il entamait les études d’ingénieur civil à Louvain. En 1993, il avait deux diplômes d'ingénieur en poche. Il avait 25 ans.

Professeur d'automatisation
1990 était encore un marché abordable pour les ingénieurs. De nombreuses propositions atterrissaient dans sa boîte aux lettres. « Mais à ma sortie en 1993, les gels de recrutement étaient courants. Trouver un emploi devenait une gageure. Les plus jeunes collègues faisaient une année supplémentaire en économiques. J'avais déjà étudié pendant sept ans et je voulais dès lors me lancer. » Il devient professeur d'automatisme à la Haute École Karel de Grote où il avait étudié. Il enseignait aux terminales. « Bizarre. La différence d'âge était minime. » Il accompagnait également des thèses. L'un de ses étudiants faisait la sienne dans l'entreprise d'automatisation Egemin.

« À une occasion, je l'accompagnais. L'entreprise m'est apparue comme fascinante. Le directeur de l'innovation, Leo Van de Pas, m'a demandé si je n'avais pas envie de venir y travailler. » Pendant un an, Vercammen partageait un emploi à temps partiel à la haute école et chez Egemin. « En 1994, j'optais pleinement pour Egemin. » Il y travaillera pendant un quart de siècle. Il y débutait comme ingénieur de développement en R&D. 

« Mécatronique ! Dans les domaines du logiciel, de l'électronique et de la mécanique. J'ai assisté au développement des véhicules autoguidé (AGV) qui naviguent à l'aide de caméras et de lasers. » Egemin se lançait en Europe, fondait Egemin Allemagne et présentait son AGV à la Hannover Messe. Six ans plus tard, en 2000, suivait l'Amérique et en 2006 également la Chine. « Nous avons choisi un créneau avec l'automatisation de la logistique et nous ciblions des industries spécifiques. Avant cela, l'entreprise disait ‘oui’ à presque toutes les requêtes. Mais être profitable dans ce contexte … ? »

Comment un ingénieur devient-il PDG ? 
« En 1994-95, à mes débuts chez Egemin, nous avons réalisé des choses fantastiques au département R&D, mais les commerciaux n’étaient pas vraiment au courant de ce que nous faisions. » Fort de son expérience dans l'enseignement, il a conçu une mini-formation pour ces derniers. Au début de la Foire de Hanovre, le responsable des ventes l'a emmené au salon pour répondre aux questions techniques des clients. « La technologie et le commercial étaient inscrit dans mes gènes. » Comme la partie droite et gauche du cerveau. Un peu plus tard, la direction s'est rendue compte qu'Egemin scorait bien aux niveaux technologie et ventes, mais que l'aspect marketing méritait amélioration. Le conseil d'administration souhaitait avoir un aperçu de la segmentation du marché et de la clientèle, du positionnement … Vercammen, qui avait entre-temps la R&D sous sa direction, souhaitait approfondir le sujet. Il entrait donc à la Harvard Business School en 2001. En 2007, Vercammen devenait PDG de l'entreprise. « Par la suite, l'aspect financier était à l'ordre du jour. Être PDG, c'est avant tout une question de stratégie et de leadership. Comment desservir la clientèle ?

Comment impliquer le conseil d'administration ? Le stakeholder management a toujours été d'importance pour moi dans ma carrière. » 
Mais être PDG est un travail de nature totalement différente. « L'avantage : si vous devenez PDG après 15 ans dans votre propre entreprise, personne ne peut vous influencer de quelque manière que ce soit. Vous êtes l'un d'entre eux. Tout le monde savait ce qu'il pouvait attendre de moi. » Egemin était en 2007 déjà dans le rouge depuis deux ans. Vercammen procédait à une restructuration. « C'était plus prenant qu'une session d'élagage dans une roseraie. Nous avions beaucoup de clients aux projets non rentables. Nous avions un excès de frais généraux face aux revenus et à la marge. Le chiffre d'affaires devait grimper. Le nouveau thème focalisait sur une croissance de la marge en éludant les manquements et en faisant du business récurrent. Nous devions mieux gérer les coûts, incrémenter l'expertise et la masse critique, se focaliser … pour atteindre un EBITDA positif. » Cela a transformé Egemin. « Je communiquais avec le personnel, avec les clients … Nous avons mis en œuvre le plan en un an. »

Gestion anti-crise
Une crise financière a suivi en 2008-2009 qui s'est propagée à l'industrie l'année suivante. « Nous avons mené une sorte de gestion anti-crise. Nous savions qu'il n'y aurait pas de nouveaux projets pendant un certain temps. Les installations existantes continueraient de fonctionner. À l'époque, nous nous concentrions beaucoup sur le ‘service’ ». 

L'entreprise appelait les clients pour leur dire qu'elle disposait des capacités de service nécessaires pour maintenir leurs installations en bon état. « Cela s'est traduit par du business, des marges et une continuité. En restant proche des clients et des fournisseurs et en ne les laissant pas tomber. Aussi en payant nos factures à temps et en suivant de près nos clients. La fidélisation de la clientèle qui en a résulté nous a ramené sur le devant de la scène après la crise. » Egemin, qui réalisait un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros en 2007, est passé à 125. « Ensuite, vous prenez le devant de la scène. »

Nouveau port d'attache
Jusqu'en 2010, Egemin concevait elle-même tous les AGV. Sur la planche à dessin. Sur mesure. « Il n'y avait pas de récurrence. J'ai suggéré que nous utilisions des machines déjà construites en série comme plate-forme et que nous les rendions autonomes en y ajoutant un ordinateur. » L'entreprise a mené une étude de marché sur les appareils automatisables. Cela a commencé avec les chariots élévateurs. « Il y avait deux types de fabricants : ceux avec un protocole fermé et ceux avec un protocole ouvert. Canbus était notre passe-partout. » 


Egemin a commencé par automatiser les chariots élévateurs Still et a fait ‘collaborer’ des flottes entières à l'aide d'un logiciel de gestion d'entrepôt. « La technologie nous était propre. De ce fait, nous arrivions dans le collimateur de la direction de KION, à laquelle appartient non seulement Still mais aussi Linde. » En août 2015, KION rachetait Egemin Automation. Vercammen, qui était également l'architecte de l'accord restait à bord et amarrait Egemin dans le nouveau port d'attache. « En mars 2016, sous l'impulsion de KION, nous reprenions la société américaine Retrotech. Egemin devait croître à vive allure. » Vercammen avait une liste de près de dix entreprises supplémentaires …

En 2017, il y avait une opportunité de reprendre l'américain Dematic, 50 fois plus gros qu'Egemin en son temps. « Cela a vraiment secoué les cartes. » Il était à Francfort en semaine et chez lui le week-end. Ou en Chine ou ailleurs. « J'étais directeur général et PDG du Egemin Group et de Dematic Central Europe et vice-président Business Development Dematic International. J'avais 3.000 personnels sous moi. C'était fantastique sur papier mais je manquais de connexion avec le terrain. Dans une structure d'entreprise, vous avez moins d'impact direct. L'entrepreneuriat me manquait. » Il restait encore un an et demi, aidait au transfert au cours des six derniers mois et prenait congé dans les règles.

« J'ai toujours de bonnes relations avec mes précédents collègues. C'est une règle personnelle. J'avais 50 ans et j’étais ouvert à d'autres défis. Sans plan préconçu. Quelques bons conseils, si vous en avez les moyens: osez lâcher prise et méditez. » Il ne voulait pas considérer une année sabbatique, soit arrêter pour se lancer ensuite à nouveau. Il a coaché pour plusieurs entreprises. « Mais j'ai rapidement ressenti des fourmillements et je suis devenu … PDG de Rombit. »

“Succes vergt voldoende kritische massa. De grote uitdaging? Het is een werk van lange adem”, zegt Jan Vercammen, CEO van Rombit. “Dat vergt voldoende enthousiasme en financiers die genoeg geloof hebben om het bedrijf zijn ding te laten doen.” (Foto's LDS)

Trop de lignes directrices
Vercammen connaissait Jorik Rombouts, le fondateur de Rombit, depuis le démarrage en 2012. « Tous les six mois, nous convenions de luncher ensemble. À l'automne 2020, alors que j'ai su que je cherchais une entreprise pour faire la différence, Jorik appelait pour convenir d'une nouvelle rencontre. Il disait chercher un PDG. » Vercammen avait établi ses critères. Il recherchait une entreprise à forte empreinte technologique, B2B, de préférence internationale, mais au centre de décision belge. « Nous avons parlé. » Lorsqu'il a commencé chez Rombit, il a vu des lignes lancées dans des directions très différentes, chez divers clients. C'était une entreprise d'innovation et de développement. 

« Il y a un risque à continuer à développer, car le client voudra toujours quelque chose de différent. Le risque est de choisir les mauvais partenaires et le mauvais segment industriel. » Ce qu'il avait fait en 2008 chez Egemin se répétait ici. En février, il organisait des journées stratégiques avec l'équipe du management. Vercammen a élaboré son triangle stratégique entre d'une part le ‘focus’ sur certains segments industriels (logistique, fabrication discrète), des ‘partenariats’ (« Après tout, nous sommes trop petits pour conquérir le monde seuls. ») et enfin les ‘product based solutions’, une combinaison de matériels et de solutions. « De cette manière, nous conquérons maintenant notre propre bout du monde. Nous travaillons sur une levée de fonds pour booster notre R&D. Il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout dans les domaines du marketing et des ventes. En fin de compte, c'est le client qui doit en profiter pleinement. » Le projet stratégique Phoenix est à la recherche sur le marché international.

Notre bout du monde
« Le succès nécessite une masse critique suffisante. Le challenge ultime ? C'est un travail de longue haleine. Il nécessite suffisamment d'enthousiasme et des financiers qui ont suffisamment de foi pour laisser l'entreprise progresser. » La recherche et le développement consomment de l'argent. L'acteur de niche anversois est actuellement également actif au Moyen-Orient et aux États-Unis. « Je crois fermement au focus, au développement ciblé et aux propositions. Que faire, pour quelle industrie et dans quel segment ? Et puis il faut convenablement juger les gens. »

L'on n'est pas obligé de tirer sur tout ce qui bouge. « En attendant, nous sommes si bien placés sur le marché que nous savons où les opportunités se présentent. » Rombit est aujourd'hui synonyme de smart wearables et de connaissance de l'industrie dans laquelle la société opère. Ce sont des appareils portables qui sont imbriqués dans un package de solutions. Ils sécurisent l'environnement du technicien de maintenance, du travailleur isolé, car ils signalent sa présence ou sa proximité. Les appareils peuvent également être posés sur un chariot élévateur. Un dispositif anticollision intervient alors suite à des mesures de distance. Les appareils connectés disposent du geofencing qui prévient en cas d'intrusion ou de sortie de périmètre. Il s'agit de sécurité, d'efficacité, de contrôle d'accès (gate operating, terminaux, logistique …).

« Je vois une palette de solutions analogue à une boîte Lego pour moduler un système opérationnel pour le client. » Le mois dernier, Rombit concluait un partenariat avec Software AG. « Un tel partenaire travaille pour vous et crée un effet multiplicateur. Il présente notre offre aux clients. Si vous êtes vraiment innovant, mieux vaut vous protéger en gardant quelques longueurs d'avance sur les autres. Car dès qu'un système entre en service, la concurrence le décortiquera de toutes façons. Les entreprises ne peuvent cesser de s'améliorer encore et encore … l'immobilisme, c'est le recul. Cependant, faire de la technologie pour la technologie ne sert à rien. Il ne faut automatiser que ce qui doit l'être, mais toujours évaluer ce qui peut être mieux fait et de manière plus sûre. »

Potentiel humain
Aujourd'hui Rombit compte environ 70 employés et dégage un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros. Vercammen recherche activement des sociétés complémentaires « qui peuvent nous introduire dans un certain marché. Ultérieurement à une nouvelle levée de fonds, nous aurons plus de 100 personnels à bord d'ici fin 2022. L'entreprise fêtera alors ses deux lustres d'existence. » La pénurie de personnel qualifié est également réelle dans les entreprises technologiques sexy. « Grâce à des produits et des projets formidables et à de nombreux jeunes qui les encensent dans leur environnement professionnel et auprès de leurs amis, nous trouvons encore le personnel adéquat », explique Vercammen, qui souhaite d'ailleurs collaborer avec l'enseignement.

« Il y a d'énormes opportunités pour les étudiants/stagiaires. Ils restent chez nous souvent par la suite. » L'activité d'une entreprise doit être intéressante en termes de contenu. « Pour la génération Z ou Y, vie professionnelle et vie privée doivent aussi être équilibrées », réalise Vercammen. « Il faut créer un cadre où les gens se motivent eux-mêmes et en tirent profit. » Le bureau apporte certaine satisfactions. Mais d'autres sont meilleurs au domicile. « Nous sommes favorables à un travail plus équilibré au sein de l'entreprise. Nous évaluons plus la performance que le temps presté. » Vercammen est favorable à ce qu'il appelle la « flexibilité duo ».

« Ne pas juger le personnel sur les heures prestées, mais sur les objectifs. Les personnels matures peuvent gérer cette flexibilité. » Culture et valeurs sont des jalons cruciaux. « Be one. Soyez une équipe. Be curious. Be brave. Et n'oubliez pas : We never let you down! C'est la promesse de la marque Rombit. »

N'oubliez pas d'être ingénieur
Son message à la jeunesse: « Suivez votre instinct. Ne vous laissez pas charmer par des propositions financières alléchantes. N'oubliez pas d'être ingénieur. Vous ne pouvez être un bon manager que si vous avez travaillé en équipe dans la technique. Apprenez. Devenez spécialistes. » Au moment de ses études, les ingénieurs devaient passer un examen d'entrée et c'était l'une des raisons pour lesquelles la formation était prestigieuse. Il existe aujourd'hui un test de niveau sans engagement …

Mais il ne s'agit pas de prestige. « Faites ce qui vous passionne. Le monde réclame des ingénieurs. Quel que soit le problème, la technologie ouvrira toujours la voie. La question énergétique, le réchauffement climatique, le vieillissement de la population … Le monde change. Changez avec lui. Mais restez fidèle à vos valeurs fondamentales. Du respect. De l'intégrité. »