La vapeur dans la transition énergétique: les législateurs et les financiers doivent suivre

La chaleur renouvelable est un élément crucial de la transition énergétique. La demande de chaleur de l'industrie belge à elle seule s'élève à plus de 50 TWh/an, soit plus de 80% de la demande totale d'énergie industrielle.

Mots clés: #transition énergétique, #vapeur

Lire plus

In the field

( Photo: iStock )

Télécharger l'article en PDF

L'industrie a déjà pris des mesures significatives en termes de rendement mais les objectifs climatiques exigent encore d'énormes efforts supplémentaires. Le secteur de la vapeur peut également y contribuer. «Le débat sur la transition énergétique porte généralement sur l'électricité, mais ce n'est pas le plus grand défi. Ce dernier, c'est la chaleur. Au sens thermique, il s'agit donc également du froid. La demande de chaleur liée aux bâtiments résidentiels et tertiaires en Belgique représente 44%, l'industrie 51%. Si nous voulons réussir la transition énergétique, nous devons certainement nous orienter ici vers une durabilité maximale et rapide », déclare Dirk Van Evercooren, directeur de l'Organisation pour l'énergie durable. (ODE).

Systèmes traditionnels
La plupart des chaudières à vapeur industrielles actuelles tirent encore leur énergie de la combustion de combustibles fossiles. Il existe grosso modo deux grands groupes de chaudières à vapeur : les aquatubulaires et celles à tubes de fumée. Avec les chaudières aquatubulaires, l'eau s'écoule dans des tuyauteries qui traversent le foyer et le conduit de fumées. Les chaudières à tubes de fumées fonctionnent inversement : les gaz de combustion circulent dans des tubes traversant un réservoir d'eau. La vapeur est également générée par cogénération. Dans ce cas, les fumées d'un moteur à combustion interne ou d'une turbine à gaz sont utilisées pour produire de la vapeur.

Il faut considérer le rendement total
« Les installations vapeur industrielles de nos clients sont souvent de gros consommateurs de gaz naturel ou de fioul », explique Kris Stappers, directeur des ventes chez l'installateur de chaufferies vapeur Callens. « Pour rendre une installation plus durable, nous considérons souvent le rendement total de l'installation. Pour l'améliorer, nous prenons en compte le process en production chez le client. En fonction de son profil de consommation, nous proposons les techniques optimales d'économie d'énergie. Les options comprennent la récupération des condensats de retour, l'ajout d'un économiseur, d'un condenseur et d'un refroidisseur intermédiaire ou la pose d'un préchauffeur d'air (Luvo). Toutes ces mesures ont un effet direct de limitation de la consommation de carburant, tandis que la production de vapeur reste inchangée. »
Un économiseur est un échangeur de chaleur placé à l'extrémité du conduit de fumées pour préchauffer la bâche alimentaire de la chaudière. La chaleur résiduelle supplémentaire ainsi extraite des fumées permet d'atteindre des rendements allant jusqu'à 95%. Cependant, il faut veiller à ce que les fumées ne soient pas refroidies sous leur point de rosée, cela entraînerait de la corrosion. Callens étudie également la manière dont la consommation d'eau et le dosage de produits chimiques peuvent être réduits. « Cela se fait en intégrant éventuellement un dégazeur, une installation RO (osmose inverse) pour la déminéralisation de l'eau et en optimisant le réseau électrique. »

Électrification
« Dans de nombreuses entreprises industrielles, la vapeur représente le coût énergétique le plus important », affirme Davy Van Paemel, expert vapeur chez Spirax Sarco. « Lors des audits, nous découvrons des pertes allant de 25% à 35%. Selon la situation locale, nous pouvons augmenter l'efficacité de 70% à 80% avec trois des cinq mesures les plus économiques. Les moyens les plus évidents d'améliorer la durabilité sont de remplacer les chaudières existantes par des chaudières électriques et de remplacer ou de convertir le brûleur existant par un brûleur à hydrogène. Dans le cadre de cette électrification, nous avons acquis il y a trois ans Chromalox, un fabricant de chaudières électriques. Divers obstacles se posent quant à l'électrification. Il n'y a pas que le coût d'investissement élevé. De nombreuses conduites sont également nécessaires et le réseau électrique local doit être suffisamment puissant. »

Carburants alternatifs
Le passage à un carburant alternatif n'est pas une innovation. « Au départ, il s'agissait principalement de la conversion du fioul en gaz naturel; de nos jours, l'attention se porte de plus en plus sur la biomasse, le biogaz et l'hydrogène. Nous recevons également de plus en plus de requêtes pour l'électrification de nos installations », ajoute Stappers. « Le fait qu'une chaudière à biomasse soit effectivement neutre en carbone ou non dépend de l'origine de la biomasse. Pour la biomasse ligneuse et agricole, il est possible de garantir la durabilité en achetant la biomasse avec un certificat de durabilité », explique Tim Vancouillie, directeur de l'asbl Energik, l'association flamande pour les technologies énergétiques et environnementales. « La mise en œuvre du captage du carbone est actuellement encore coûteuse, certainement au niveau de la chaudière ; elle est donc peu utilisée. Séparer le CO2 et l'azote n'est pas aisé. Une alternative est la combustion avec de l'oxygène pur en lieu et place de l'air, la soi-disant combustion oxyfuel. De cette manière, seul le CO2 subsiste après condensation de la vapeur d'eau. »

Points à considérer lors d'une conversion
Stappers note que la conversion des installations existantes à un carburant alternatif doit être soigneusement envisagée. « Parce que chaque carburant a des caractéristiques spécifiques. Celles-ci se déclinent par des températures de flamme différentes, diverses propriétés de rayonnement et de vitesses de flamme. Cela a un effet sur la charge de la chaudière à vapeur. Nous avons déjà en interne les connaissances nécessaires pour effectuer les simulations nécessaires en fonction du combustible choisi. La conversion peut dès lors s'effectuer de manière rentable et fiable. Par exemple, nous construisons actuellement pour Vynova une installation à hydrogène en combinaison avec des chaudières à tubes de fumée. La puissance est de 20 MW. Par ailleurs, la cogénération est l'une des meilleures technologies actuelles pour réduire la consommation d'énergie primaire. Les entreprises de production doivent se poser la question si elles ont besoin de vapeur pour chaque application et si la chaleur résiduelle peut être récupérée. Ce faisant, elles doivent non seulement tenir compte de leur propre demande totale d'énergie, mais également de celle de leurs voisins », ajoute Stappers.

Chaleur résiduelle
« Une chaudière à vapeur qui produit 1 tonne de vapeur à l'heure a une puissance d'environ 0,7 MW », soutient Erica Willems, responsable de la recherche chez le constructeur de chaudières à vapeur Serkobras. « Nous utilisons une large gamme d'économiseurs et de condenseurs pour rendre les installations existantes plus durables. Ils doivent principalement récupérer la chaleur résiduelle des fumées. Cela garantit non seulement plus de rendement, mais l'eau chaude peut par exemple également être utilisée pour le nettoyage. »

Biogaz
Serkobras a déjà des chaudières au biogaz dans sa gamme. « Les déchets de biogaz produits lors de certains process en production sont recyclés comme carburant. Nous travaillons également au développement de systèmes à l'hydrogène comme carburant. Nous voulons évoluer vers divers types de carburant, en fonction des disponibilité actuelles chez le client », explique Willems. « Les chaudières à déchets ne sont fondamentalement pas neutres en carbone », prévient Vancoillie. « Mais nous préférons toujours l'incinération des déchets à la mise en décharge. La production de vapeur avec des déchets est également stricto sensu plus respectueuse de l'environnement que la production de vapeur à l'aide de combustibles fossiles. »

Eceuils
« La transition vers des sources d'énergie alternatives dépend à la fois de la technologie disponible et des conditions sociogéographiques ; telles que l'espace disponible et le potentiel socio-économique réalisable », explique Van Evercooren. « Il n'y a donc pas de réponse univoque. Les écueils résident principalement dans les investissements réalisés dans le passé et dans les conditions actuelles du marché. Cela ne reflète souvent pas les paramètres optimaux du marché à long terme. Par exemple, il y a le fait que de nombreux coûts externes de l'utilisation des combustibles fossiles ne sont pas internalisés. De ce fait, ils ne sont donc pas inclus dans l'évaluation, de sorte qu'il n'y a aucune incitation à la durabilité. » Les nouvelles technologies resteront coûteuses jusqu'à ce qu'elles deviennent courantes. C'est en tout cas l'avis d'Erik Verdeyen, spécialiste chez Qpinch (Anvers), fournisseur de solutions ’waste-heat’. « Si le gouvernement veut accélérer la transition énergétique, il doit ajuster sa politique de subventions en conséquence. Il doit également réformer ou abolir les anciennes mesures d'accompagnement qui sont obsolètes ou sous-impactées par la réalité. »

Efficacité énergétique
« L'efficacité énergétique est une alternative sous-estimée au changement de combustible », souligne Verdeyen. « Des études de notamment McKinsey, Solomon Associates, Concawe.eu, Deloitte et l'Agence internationale de l'énergie soulignent toutes le potentiel inexploité de l'efficacité énergétique. Le remplacement du gaz naturel par d'autres sources d'énergie restera plus cher jusqu'à ce qu'une augmentation de la taxe sur le CO2 efface la différence. Outre cela, l'énergie la moins chère est celle non consommée. L'efficacité énergétique a un avantage imbattable. Non seulement elle évite les taxes CO2, comme c'est le cas pour les énergies propres, mais supprime également le coût de l'énergie en soi. Dans un pays comme la Belgique disposant de peu de ressources nationales qui doit donc importer beaucoup d'énergie, l'efficacité énergétique est un objectif stratégiquement important. »

Financement
« Le monde financier évalue de plus en plus les entreprises sur leurs réalisations et sur leurs promesses de durabilité, mais devrait être plus actif dans le financement de la transition énergétique. Des solutions dont les temps d'amortissement actuellement trop longs peuvent pourtant être réalisées grâce au financement si les institutions financières interagissent de manière innovante. Peut-être y a-t-il trop peu de connaissances sur la question énergétique industrielle auprès des banques, car les rendements qui peuvent être obtenus avec la transition sont époustouflants par rapport aux faibles taux d'intérêt actuels », conclut Verdeyen.

FOCUS est un article grâce au partenariat de: Armstrong, Serkobras et Spirax Sarco