ENGINEERINGNET.BE - Il y a trente ans, le logiciel de CAO SolidWorks était introduit sur le marché, un portfolio dédié à la conception 3D, au développement de produits et à la production. Les capacités de simulation conduisent à un meilleur concept et réduisent le besoin en tests.
L’offre a ensuite été étendue au cloud où plusieurs utilisateurs peuvent travailler sur un concept, avec désormais l’aide d’un assistant IA.
Pascal Daloz, CEO de l’entreprise-mère Dassault Systèmes et premier à monter sur la scène de 3DExperience, a vu sept générations d’innovations se succéder au cours des 30 dernières années : de la CAO 3D à la maquette numérique en passant par le PDM et le PLM, les jumeaux numériques, puis le ‘jumeau numérique de l’humain’, et maintenant l’intelligence artificielle ajoutée aux jumeaux numériques et l’usage de techniques de contextes. « Nous glissons vers la 3D Univ+rses. Il met en garde : « Soyez prudent avec les métaverses et protégez votre propriété intellectuelle ! »
« Après 30 ans, nous n’en sommes encore qu’au début », déclare Gian Paolo Bassi, SVP de 3DExperience. Il perçoit un véritable changement dans les biosciences avec le développement d’un jumeau virtuel du corps, du cœur, du cerveau. Dans Industrie 5.0, il voit l’émergence de matériaux auto-réparateurs stimulant la durabilité et de plateformes qui alimenteront les cinq sens. Le rôle de l’IA ? « L’IA va devenir un compagnon virtuel qui calculera par exemple pour vous la trajectoire de coupe de votre laser sans trop de difficultés. »

Agent IA AURA
« En juillet, nous lancerons AURA pour tous les utilisateurs », annonce Manish Kumar, CEO de SolidWorks. AURA est un chatbot plus qu’auto-apprenant: c’est le compagnon, le partenaire ou l’assistant virtuel de l’utilisateur sur la plateforme. AURA apprend du concepteur et l’aide, répond à ses questions, propose une aide contextuelle et cite même les sources. L’assistant ou ‘Agent IA’ est formé sur Mistral, le LLM (Large Language Model) développé par la startup française éponyme (2023), avec laquelle Dassault Systèmes a conclu un partenariat l’été dernier. L’agent IA peut encore faire mieux. L’utilisateur peut l’entraîner dans son domaine d’expertise et réaliser des tâches avec lui.
Des adaptations automatiques du concept, par exemple, qui tiennent compte de certains paramètres ou réglementations. Chez les clients testeurs, SolidWorks a appris quelles commandes les concepteurs de divers domaines utilisent pour certaines tâches, ainsi que l’ordre de succession. Il peut désormais prédire, faire des suggestions et même automatiser des tâches.
« Nous devenons bons dans la ‘command prediction’. Nous obtenons 95% et nous en sommes très satisfaits. « A partir d’une photo, nous pouvons reconnaître les ‘articulations’ et identifier les lignes », ajoute Shrikant Savant, responsable R&D en IA chez Solidworks. Bref, vous importez une photo et vous obtenez un modèle 3D sur votre planche à dessin. « L’IA est un ‘work in progress’. »
Apple et KUKA
Dassault travaille avec Apple sur ses ‘lunettes’ intelligentes, l’Apple Vision Pro. Ces lunettes à réalité augmentée sont désormais intégrées dans la nouvelle génération de la plateforme 3DExperience. L’application lifestyle Dassaults HomeByMe Reality est aujourd’hui disponible sur l’App Store for Apple Vision Pro. L’application 3DLive visionOS pour l’industrie manufacturière suivra cet été.
La plateforme 3DEXPERIENCE de Dassault Systèmes fera également partie de la plateforme mosaixx ouverte et basée sur le cloud de KUKA. La dernière version de cet écosystème numérique du constructeur de robots sera présentée en live fin juin au salon Automatica à Munich. La collaboration veille à une intégration du robot et de son jumeau numérique et permet des simulations en temps réel avec le robot. Dassault Systèmes et KUKA occuperont le même stand.
« Le design 3D n’est plus un goulot d’étranglement, nous disent les clients. Cependant, il se situe plus en aval, dans l’atelier de production, après le re-shoring et l’automatisation », poursuit Gian Paolo Bassi. La collaboration avec KUKA apporte une continuité numérique en production. Avec un jumeau numérique, c’est pas seulement le robot mais toute la chaîne qui peut être simulée, ce qui permet de gagner du temps.
« De nombreux clients utilisent SolidWorks ou Catia. Il y a une adéquation », indique Quirin Goerz, CEO KUKA Digital. « L’utilisateur travaille sur notre plateforme et pour les outils que nous n’avons pas, il peut acheter des services ailleurs. Il passe à SolidWorks, par exemple. » Une connexion a lieu vers SolidWorks – où l’utilisateur est abonné – puis il revient à mosaixx. « Mis en ligne en septembre 2024, mosaixx est une plateforme ouverte qui n’est pas limitée à la marque de robots » ajoute Quirin Goerz qui travaille avec d’autres sociétés de software et hardware.

Robots humanoïdes: pas de panique
Pour les robots humanoïdes, la course est effrénée entre les Etats-Unis, la Chine et l’Europe. La technologie progresse rapidement. « Son format permet au robot de se mouvoir dans nos environnements. Il peut être utilisé dans les soins à domicile, par exemple, ou dans l’industrie », explique Luis Sentis, prof. Aerospace Engineering à l’University of Texas (Austin).
« Je m’attends à une percée commerciale d’ici … 2050. » Sentis a fondé Apptronik début 2016 et le robot Apollo-Alpha a été lancé en 2023. Fin de l’année dernière, l’entreprise a commencé à travailler avec Google DeepMind qui fournit entretemps des fonctionnalités prêtes à l’emploi au robot. Dernièrement, Apptronik a levé 350 millions de dollars pour poursuivre le développement de ses robots humanoïdes. « Nous utilisons SW pour travailler plus rapidement, construire et tester des jumeaux virtuels dans des environnements virtuels, le tout enrichi d’IA. »
« La robotique me passionne », lance Marc Raibert, le fondateur de Boston Dynamics. Il est aujourd’hui directeur exécutif du Robotics and AI Institute (RAI) qui ambitionne de devenir le ‘Bell Labs’ des robots, et est actif dans l’apprentissage automatique, l’apprentissage par renforcement, … Le groupe ‘Ethics & Policy’ étudie les individus et leur relation avec les robots. Marc Raibert est convaincu que les robots doivent devenir plus intelligents, plus agiles et plus adroits, plus faciles à utiliser et plus productifs pour que les gens les acceptent et travaillent avec eux.
Boston Dynamics a notamment développé Spot – le chient robot – et l’humanoïde Atlas. Spot est une plateforme omnidirectionnelle qui peut transporter divers équipements – caméras, laser, radio, … « Lorsque nous avons commercialisé Spot, nous ne savions pas comment il allait être utilisé », explique Marc Raibert. Au début, seuls les chercheurs l’utilisaient dans leurs recherches. « Nous avons testé Spot avec des patients pendant le Covid. Nous avions Spot à Tchernobyl. À Fukushima, deux Spots ont été les premiers à pénétrer dans le réacteur 4.
Les services de police utilisent parfois Spot pour amorcer la communication lors de situations dangereuses … » Entretemps, ils sont environ 2.000 à être actifs sur le terrain. Atlas est un robot humanoïde qui peut être utilisé pour placer des pièces dans un rack d’une ligne d’assemblage, par exemple. « SolidWorks nous a permis de réduire son poids de plus de la moitié – de 350 livres (159 kg) à 160 livres (73 kg) – par l’intégration des systèmes et l’optimisation du concept. » Un nouvel Atlas est en préparation.
Faut-il craindre que les robots et l’IA prennent un jour le contrôle du monde ? « L’intelligence artificielle générative (AGI) est un sujet complexe », reconnaît Marc Raibert. L’ IA peut résoudre autant de problèmes qu’elle en crée. Il aborde la question autrement. « Y-a-t-il des gens plus intelligents que vous ? En effet. Est-ce que cela vous fait peur ? Non. Alors, pas de panique. »