Nouveau radar de la VUB pour le BTP

«Notre premier objectif était d’arriver à détecter et identifier une couche de matériau de moins d’1 mm dépaisseur», explique le professeur Johan Stiens (55), département ETRO de la faculté des Sciences de l’ingénierie de la VUB.

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In the field

( Photo: LDS )

ENGINEERINGNET.BE - Avec Dr Ali Pourkazemi, l’équipe de la VUB a développé un radar haute résolution destiné à réaliser toutes sortes de mesures dans le secteur du bâtiment. « Le rêve à long terme : mesurer quasi n’importe quoi avec un seul appareil. »

Le radar utilise les différences de réflexion et vitesse de propagation des ondes électromagnétiques dans les matériaux. « Pour voir si une personne respire, une faible résolution suffit », dit Stiens, qui avec son équipe souhaite justement faire la différence avec la haute résolution. Les chercheurs ont identifié une douzaine d’industries potentiellement intéressées.

Cependant, ils veulent tout d’abord percer dans le secteur du bâtiment, par ex. en analysant la composition des murs creux, y compris sans aucune information préalable. « Sur un chantier de rénovation, on ignore souvent dans quoi on met les pieds. Et l’hétérogénéité des matériaux utilisés dans le BTP ne fait que compliquer la tâche. » Par ailleurs, il anticipe de nouvelles applications aussi pour les constructions neuves.

La VUB a créé 43 sociétés spin-off. « Huit d’entre elles sont issues du département ETRO », dit Prof. Johan Stiens avec une certaine fierté. Une nouvelle spin-off sera créée en 2023 pour exploiter la technologie radar haute précision de l’ETRO. Nom en interne : TRMCo, en référence à la méthodologie du radar transitoire récemment brevetée. (Photo LDS)

Mesurer à l’aveugle 
Mesurer la masse volumique d’un matériau caché derrière un mur sans connaître sa densité ni son épaisseur n’est pas une sinécure. « Les méthodes électromagnétiques ne permettent pas de résoudre en même temps ces deux choses », remarque Stiens, qui fait allusion au principe de dispersion des signaux dans un matériau.

« Un matériau dont les propriétés électromagnétiques varient avec la fréquence cumule en effet les inconnues à chaque nouvelle fréquence utilisée. » Plus on augmente le nombre de signaux de fréquences différentes envoyés sur un matériau, plus nombreux sont les problèmes mathématiques à résoudre.

« Il faut une technique capable de séparer les propriétés et l’épaisseur de la couche. » Les impulsions radar ne permettent pas de résoudre le problème. « Une impulsion possède un large spectre. Chaque fréquence de l’impulsion crée donc son propre problème mathématique, ce qui rend l’ensemble trop complexe.

Le radar à onde continue modulée en fréquence n’est pas non plus une solution, car par définition ce type de radar émet lui aussi à différentes fréquences. Chaque fréquence a un temps de propagation propre, de sorte que les signaux ne reviennent par au même moment. Chaque ralentissement ou accélération réduit la précision. »

Méthodologie du radar transitoire (TRM) 
Mais alors quel type de radar pourrait bien fonctionner pour mesurer à la fois l’épaisseur et les propriétés électromagnétiques d’une couche ? Le département ETRO utilise un tout nouveau type de radar appelé Transient Radar Methodology (TRM, ou radar transitoire). Ce radar émet un signal transitoire très monochromatique, autrement dit de fréquence unique.

Une interruption minimale du signal vous emmène de 0 vers un sinus. Un commutateur, qui renforce progressivement le sinus, produit un sinus de fréquence unique … Ce signal spécial nous permet de simplifier le problème et de limiter très fortement l’impact de la dispersion des ondes dans le matériau.

C’est cela qui donne la haute résolution et haute précision de notre technologie brevetée. » La mesure atteint une précision de 100 fs, càd un dixième de millionième de millionième de seconde. Une première demande de brevet déposée en 2015 a été acceptée. « Nous devons encore faire une demande pour différents aspects complémentaires », confie Stiens.

Johan Stiens avec une partie de son équipe « radar » : Salar Tayebi, qui prépare une thèse de doctorat sur les applications médicales, et Olsi Kamami, qui se concentre sur le pilotage électronique et le matériel. Le 3e membre de l’équipe, Dr. Ali Pourkazemi, était en voyage. (Photo LDS)

Avec des sinus parfaits 
« Nous avons trouvé un optimum de 0 à 1 qui génère le signal le plus pur. » Le passage optimal doit être tout juste assez rapide. S’il est trop rapide, les fréquences sont trop nombreuses, et s’il est trop lent, la résolution diminue. Le ‘nez’ du signal est réfléchi par le mur. Une partie traverse le mur et son creux interne et atteint la face arrière. Il y a chaque fois une réflexion. Une onde électromagnétique dans l’air franchit 30 cm en 1 ns. Vu que le radar a besoin d’une réflexion, le signal fait un allerretour sur une distance de 15 cm en 1 ns. 

Mais si la même onde se propage dans un matériau, elle ne parcourt peut-être que 7 cm en 1 ns. « En fin de compte, comme on veut une précision submillimétrique, par ex. de 0,07 mm, on arrive aux alentours de 10 ps. Donc ultra rapide. » Le défi : « Il faut mesurer des différences de signal très faibles dans un temps de mesure très court. Nous mesurons avec une résolution < 1 ps. 

En dessous, l’électronique devient très instable. » Un traitement de signal très avancé doit permettre ensuite de distiller les informations nécessaires à partir d’un chaos de phénomènes stochastiques.

Autres applications 
« Nous avons défini 12 marchés », dit Stiens. « Donner la priorité au bâtiment était un compromis entre notre offre actuelle et les besoins de ce secteur. » Le scannage des murs creux et de ce qui s’y trouve est pour l’instant l’application la plus utile. « Nous rêvons de piloter des robots la nuit dans les bâtiments pour contrôler la qualité de ce qui a été posé la journée précédente.

Nous avons déjà parlé à des développeurs de projet. Si notre technologie tient ses promesses, eux aussi l’utiliseront, car dans ce secteur des batailles juridiques sont engagées pour désigner la partie responsable et pour quelle chose. » D’autres applications sont encore en plein développement. La technologie s’appuie sur une grande connaissance des matériaux.

« Avec notre département Génie civil, nous suivons le durcissement, le vieillissement et la pourriture du béton … Un prochain article concernera le caoutchouc. Nous travaillons sur plusieurs fronts à la fois », explique Stiens. Nous sommes en discussion avec une entreprise qui stocke et transforme des produits liquides agressifs. « Pour les besoins de maintenance, nous mesurons la qualité des parois des cuves spécialement conçues que requiert cette production. » Dans un projet en cours avec le Brabant flamand, les chercheurs tentent de localiser la source des fuites d’eau. « Cette application requiert une plateforme très mobile. »

Parallèlement au BTP, l’équipe s’intéresse aussi depuis peu au secteur médical. Un doctorant, Salar Tayebi, y travaille. Beaucoup d’applications médicales actuelles effectuent des mesures invasives avec un cathéter. « Notre approche est non invasive et en plus fournit une mesure continue. » Selon l’application, il est possible de jouer avec la puissance.

« Nous pouvons émettre avec quelques milliwatts mais aussi avec des centaines de watts. » Ils n’ont pas encore travaillé au développement d’une interface graphique utilisateur ergonomique. « Cela n’est pas notre priorité pour l’instant. Nous travaillons d’abord à l’acceptation de la technologie par le marché. Ensuite, nous améliorerons l’ergonomie. » Des concurrents ? « À Singapour, une nouvelle entreprise développe activement une solution électromagnétique. »

Clou du spectacle 
Le radar est alimenté par une prise de courant ou une batterie. « L’autonomie du système n’est pas le clou du spectacle », dit Stiens. « En revanche, ce pourrait bien être les antennes, qui contribuent au dimensionnement du système. » L’antenne détermine la résolution et la profondeur de pénétration. Cette dernière dépend également du matériau irradié, du taux d’humidité, ...

L’ETRO utilise un tout nouveau type de radar, appelé 'Transient Radar Methodology'. « Il peut 
mesurer avec une précision de 100 femtosecondes », dit Johan Stiens. (Photo LDS)

« Plus le taux d’humidité est élevé, meilleure est la résolution. Mais la présence d’eau requiert de travailler avec des fréquences plus basses, ce qui requiert automatiquement des antennes plus grandes. » Pour l’instant, la technologie a une résolution de 6 cm sur 6. « Notre pixel a un diamètre de 6 cm », précise Stiens. Un radar possède en effet des antennes et faisceaux de forme circulaire.

« Mais nous captons aussi un tuyau métallique de 6 mm avec le contraste. » Mesurer des variations de densité et d’humidité est encore une autre histoire. Les antennes réceptrice et émettrice sont éloignées l’une de l’autre pour éviter les interférences. L’antenne en tant que telle a le format d’un GSM. Pour la stabilité du système, un contact mécanique est réalisé avec le mur. 

« Nous testons différentes configurations pour rendre le système plus mobile, tout en restant mécaniquement stable. Sur l’échelle ‘Technology Readyness Level’, notre technologie est aujourd’hui de niveau TRL4 », estime Stiens. « L’année prochaine, nous voulons atteindre le TRL 7-8 et créer un société spin-off en 2023. Cet été, nous atteignons le TRL 5 et 6. Les prochains mois, nous travaillerons à la ‘productisation’ avec des partenaires industriels. » 

Stiens a pour objectif de réduire les dimensions de l’équipement industriel à la taille d’une boîte à chaussures pour ‘grosses bottines’.

Spin-off 
Le développement du nouveau principe de mesure par radar avait été initié en 2011 par Ali Pourkazemi, qui a terminé son doctorat sur ce sujet en 2017. Le développement d’une application pratique pour le secteur du bâtiment a commencé avec un projet Innoviris. Un autre financement a récemment été obtenu du Brabant flamand via le Smart Hub.

Pour l’exploitation commerciale de la technologie, le professeur Stiens prévoit de créer une société spin-off en 2023, qu’ils appellent en interne TRMCo, en référence à la méthode TRM récemment brevetée. Les chercheurs ont relevé plusieurs défis. Ils ont développé le générateur de signaux et trouvé un système d’activation unique. Un autre défi de taille était de supprimer, dans le signal réfléchi, toutes les formes de bruit à l’échelle de la picoseconde, toutes les perturbations et interférences qui réduisent la précision, de façon à ne laisser passer que les informations utiles.

« Récemment, ils ont fait une grande découverte au niveau du traitement du signal, qui permet d’éliminer complètement toutes sortes de contraintes de conception. » Aujourd’hui, au laboratoire, le radar et tous ses accessoires tiennent sur une palette de 1 m³. Ce facteur de forme peut être un gros obstacle et bloque pour l’instant le développement d’autres applications.

Le prix de revient et l’utilisation sont également de gros obstacles. « La nouvelle société spin-off prévue commencera donc son activité suivant un modèle de service. Les ingénieurs utiliseront eux-mêmes les appareils. Avec le temps, lorsque les utilisateurs potentiels auront confiance dans la technologie, la nouvelle société pourra développer progressivement les possibilités et le nombre d’appareils. »