La pandémie et la guerre entraînent des défauts de paiement dans le monde entier

Plus d’une entreprise européenne sur deux s’attend à ce que les factures soient payées en retard voire pas du tout dans l’année à venir. L’invasion de l’Ukraine a ébranlé la confiance dans la reprise économique post-pandémique.

Mots clés: #défauts de paiement, #pandémie

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( Photo: 123RF )

ENGINEERINGNET.BE - C’est ce que montre une enquête réalisée, avant et après l’invasion, par le plus grand assureur-crédit au monde Allianz Trade. En Belgique, les pme sont en difficulté et les ingénieurs et techniciens indépendants ne sont pas épargnés par les défauts de paiement. Il s’agit de rester vigilant et de répartir le risque.

Allianz Trade Global a interrogé 3.000 exportateurs aux Etats-Unis, en Chine, au Royaume-Uni, en France, en Italie et en Allemagne. La première enquête a été réalisée début janvier jusqu’à la mi-février, au début de l’invasion en Ukraine. En mars, 450 autres entreprises européennes ont été interrogées durant trois semaines.

Le pessimisme qui émerge est une récession généralisée aux prochains trimestres. Les deux études montrent trois tendances claires. « De plus en plus d’entreprises se préparent au coup porté aux ventes. Elles craignent une baisse structurelle de la demande tant que le conflit durera. Elles se méfient aussi des défauts de paiement plus nombreux.

Avant l’invasion de l’Ukraine, moins d’un tiers des entreprises interrogées s’attendaient à une augmentation des risques de défaut de paiement au cours des six à douze prochains mois. Aujourd’hui, déjà 51% s’y attendent en Europe », fait savoir Johan L.P. Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade.

L’optimisme brisé 
Le défaut de paiement fait donc son grand retour. Pas moins de 58% des exportateurs allemands ont une vision sombre. Geeroms l’explique ainsi:  
« L’optimisme de la relance économique après la pandémie a été brisé par l’invasion russe. Nous étions encore en mode récupération de la crise du coronavirus lorsque la guerre en Ukraine a éclaté.

Cela n’a fait qu’exacerber les problèmes liés notamment à la chaîne de valeur et a poussé les prix vers le haut. Les consommateurs sont plus pessimistes que jamais à propos de l’économie. Du côté des producteurs, la production est durement frappée.

Les entreprises ressentent les conséquences de la poursuite de la guerre. 56% des exportateurs à qui nous avons parlé sont préoccupés par les prix de l’énergie qui restent élevés. La hausse des prix des matières premières, la hausse des coûts de financement et les perturbations prolongées de la chaîne d’approvisionnement font grimper les coûts d’exportation. »

Inflation élevée 
L’ économie belge gémit. Un pays orienté vers l’exportation comme la Belgique est plus réceptif à de tels développements internationaux. Dans notre pays, cela se traduit notamment par une inflation de près de 10%. « C’est structurellement très élevé. Tout est devenu très cher. C’est le cas du gaz et du pétrole mais aussi du cuivre et de l’acier.

Johan Geeroms: « Vous pouvez vous assurer avec un ‘contrat contraignant’ qui stipule quand l’indépendant peut commencer les travaux. » (Photo Allianz Trade)

Même si ces métaux ont connu une accalmie depuis le pic en mars, le niveau des prix reste élevé. À cela s’ajoutent les coûts de transport qui explosent et ne diminueront pas pour le moment. Dans quelles mesures les entreprises peuvent-elles répercuter cela à l’utilisateur final ? » Geeroms y voit un problème pour les petites et les moyennes entreprises.

« Elles sont moins aptes à répercuter les hausses des prix à 100% que les grandes entreprises car elles ne veulent pas perdre de parts de marché. Mais cela met une pression sur les marges. C’est comme choisir entre la peste et le choléra. La Belgique est un pays de pme avec de nombreuses entreprises familiales, qui compte moins de grandes entreprises disposant d’une solide réserve financière. Les pme sont plus sensibles à l’inflation et aux hausses de prix soutenues. »

Touchées par le défaut de paiement 
Il n’y a pas que l’inflation qui peut anéantir les pme. « Elles sont aussi vulnérables aux défauts de paiement de pme belges plus faibles. Actuellement, notre pays compte 10 à 15% d’entreprises ‘zombies’. Lors de la crise du coronavirus, de nombreuses entreprises n’étaient déjà pas en bonne santé et bénéficiaient d’une aide de l’état et d’un report de paiements. Elles pouvaient tenir. Aujourd’hui, les subsides ont disparu et les entreprises doivent se débrouiller pour tenir le coup, bien qu’elles subissent encore les conséquences du covid-19 et ressentent l’impact de la guerre en Ukraine. » Pour Geeroms, des pme initialement saines atterrissent dans un système en cascade suite au défaut de paiement d’entreprises zombies qui sapent leur combativité.  
« Tant le gouvernement que les banques hésitent de moins en moins à poursuivre les entreprises pour défaut de paiement. »  
Les cinq plus grands secteurs qui s’attendent cette année à une augmentation des risques de défaut de paiement sont l’agriculture (agroalimentaire 80%), la construction (71%), la chimie (67%), le commerce de détail (56%) et les usines, à l’exception des usines de voitures et de machines (53%).

Des indépendants vulnérables 
« Dans le secteur de la construction, de nombreux projets sont reportés voire annulés. Les prix des matériaux de construction sont plusieurs fois élevés par rapport à avant. Les entreprises de construction prévoient des clauses pour répercuter les augmentations au client. Ce qui entraîne de plus en plus de retards et même des annulations.

Cela peut aussi avoir un impact sur l’ingénieur ou le technicien qui a entretemps effectué les travaux préparatoires et qui veut être payé. » Se protéger face à cela n’a rien d’évident. « Il faut toujours démontrer la culpabilité. Les services doivent être fournis pour le compte d’entreprises pour s’assurer contre cela. En outre, il faut une limite de crédit pour être couvert, et remboursé dans le cas d’une faillite ou d’un défaut de paiement du donneur d’ordre. On peut s’assurer avec un ‘contrat contraignant’ qui stipule quand vous, indépendant, pouvez commencer les travaux. »

La question de savoir si un spécialiste de la maintenance peut s’assurer auprès d’un assureur-crédit doit être examinée au cas par cas. « Un indépendant est souvent une personne physique alors que nous assurons les entreprises contre le défaut de paiement d’entreprises en insolvabilité présumée et définitive.

En tant qu’assureur-crédit, nous analysons ces entreprises et nous pouvons leur demander des chiffres plus récents que ceux connus auprès de la Banque Nationale de Belgique », précise Geeroms. Cependant, cela ne doit pas vous empêcher, en tant que personne physique, de demander les comptes annuels avant d’accepter une mission. »

Risque de propagation 
Si malgré cette démarche préventive, les choses tournent mal, peut-on se tourner vers un bureau de recouvrement ? « En tant qu’assureur-crédit, nous recherchons aussi l’argent mais l’entreprise doit être en mesure de payer, sinon on est nulle part. » Comme pour les pme, Geeroms recommande aux indépendants de « diversifier le portefeuille de clients et les secteurs au sein desquels ils sont actifs.

Bien que ce ne soit pas évident car la plupart des projets des techniciens de maintenance sont si vastes qu’il ne leur reste pas de marge pour travailler simultanément sur d’autres missions. L’indépendant est donc trop dépendant d’un client et plus vulnérable aux défauts de paiement », constate Geeroms. D’autre part, les ingénieurs sont très demandés et un ou plusieurs nouveaux projets peuvent se présenter rapidement. Dans tous les cas, il faut continuer à faire face à la réalité économique.

Allianz Trade prévoit que la Belgique sera cette année dans le top 3 des faillites les plus élevées de la zone Euro. « La Belgique est en tête avec 9.100 faillites attendues, soit une augmentation de 39% par rapport à 2021. Seule l’Autriche (+63%) devance la Belgique, les Pays-Bas (+24%) sont loin derrière la Belgique. »