ENGINEERINGNET.BE - Adrien Dolimont (36) a déjà passé la moitié de sa vie en politique au sein du parti libéral MR. À 18 ans, il entame des études d’ingénieur, devient docteur-ingénieur puis consultant indépendant. En 2022, il met sa carrière en pause pour se consacrer pleinement à ses mandats politiques.
Êtes-vous d’abord un politicien et puis un ingénieur ? « Je suis toujours un ingénieur, et un ‘homme politique’ », corrige Adrien Dolimont. Le terme ‘politicien’ a pour lui une connotation négative. Sa famille a toujours été active dans la politique locale. Le jeune libéral a grandi sous l’aile de son grand-père, Marcel Nicaise, qui fut échevin puis bourgmestre de Ham-sur-Heure-Nalinnes en 2000.
Les libéraux font de bons scores durant plusieurs décennies. À 18 ans, Adrien Dolimont se présente aux élections communales, à l’avant-dernière place. Il est élu et accède au collège du bourgmestre et des échevins. Le ‘plus jeune échevin du pays’ - responsable de la Jeunesse, du Folklore et de l’informatique - succède à son grand-père, qui reste son mentor. En 2018, Adrien Dolimont devient premier échevin et président du CPAS.
En janvier 2022, il prête serment en tant que ministre wallon du Budget, des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives, sur proposition du président du MR, Georges-Louis Bouchez. Adrien Dolimont n’était pas encore élu au Parlement. Aux élections de juin 2024, il tire la liste du MR à Charleroi-Thuin, remporte près de 20.000 voix de préférence et un siège au Parlement. Il devient Ministre-président du gouvernement wallon et bourgmestre empêché de Ham-sur-Heure-Nalinnes. Il siège au sein du nouveau gouvernement de la FWB (Fédération Wallonie Bruxelles) en
tant que ministre de la recherche scientifique.
L’étudiant devient docteur puis indépendant
Adrien Dolimont a commencé ses études d’ingénieur à l’Université de Mons. « En cinquième année, mon professeur de mathématiques m’avait conseillé de faire des études d’ingénieur. J’ai toujours été passionné par les sciences. Je voulais comprendre les choses. » Il a des idées et veut les réaliser. Un jour, il monte un moteur de tondeuse à gazon sur un vélo avec un ami et sillonne les rues de la commune sur son bolide. « On en a parlé pendant longtemps. » Il prend toujours autant de plaisir aujourd’hui. Son père était professeur de langues germaniques – le néerlandais – à l’athénée de Châtelet et sa mètre directrice de l’école communale de Nalinnes.

« J’ai été le premier ingénieur de la famille. » En 2011, il décroche un master en sciences de l’ingénieur (génie mécanique, énergie et automatisation) mais rejoint le projet UMONSter avec lequel l’université participe au Shell Eco-marathon en 2011.
« Mon professeur m’avait proposé de faire un doctorat mais je n’y avais pas vraiment réfléchi. Je consultais déjà les offres d’emploi. » Il n’opte pas pour la recherche fondamentale mais quelque chose de plus concret, de pratique. Il choisit l’impression 3D et la technologie de fusion par faisceau d’électrons EBM (Electron Beam Melting). Il était le seul à l’université à travailler sur ce sujet, ce qui n’avait rien de surprenant car il n’y avait pas de machine à faisceau d’électrons … Il collabore avec Sirris qui en possède une petite à Gosselies.
« J’ai travaillé sur l’Arcam A2 qui avait la taille d’un réfrigérateur. » Il a approché le motoriste Safran qui possédait un Arcam Q20 ‘aussi grand qu’un double frigo’. Adrien Dolimont s’intéresse à la caractérisation des poudres ainsi que la mécanique d’impression par faisceau d’électrons. Il étudie les résultats d’impression, la tension du matériau après soudage/impression, les technologies de post-traitement et l’impact de la gravure chimique sur les dimensions de l’impression, par exemple. « C’était multidisciplinaire. » Parallèlement, il encadre les étudiants en tant qu’assistant pédagogique.
Après son doctorat, Adrien Dolimont se met à son compte, d’abord en tant que project leader freelance Clean Piping Pharma Industries chez Etech, l’entreprise nivelloise spécialisée dans les tuyauteries pharmaceutiques et leur maintenance. Deux ans plus tard, il fonde son entreprise. « Je voulais utiliser ma matière grise et conseiller. J’ai rapidement appris … » L’énergie l’intéressait aussi. Durant cinq mois, il est responsable administratif chez ESI srl qui développe des solutions photovoltaïques intelligentes pour notamment les supermarchés. « La plus grande installation produisait plusieurs centaines de kilowatts et elle fonctionne toujours. »
« J’ai pris mon avenir en main, voilà pourquoi j’ai décidé de faire un doctorat. Je voulais être maître de mon temps et je me suis mis à mon compte. J’avais besoin de flexibilité car j’avais déjà un mandat local. Mon travail politique me prenait de plus en plus de temps. C’était parfois très difficile mais j’ai appris à m’organiser. » Depuis qu’il est ministre, Adrien Dolimont n’a plus d’activité indépendante. « Elle a été progressivement abandonnée. Être ministre exige un engagement total. »
Un homme politique fait des choix
En janvier 2022, Adrien Dolimont devient à 33 ans ministre wallon et, après les élections de 2024, le plus jeune Ministre-président du gouvernement wallon. Il est responsable du Budget, des Finances, de la Recherche et du Bien-être animal. Il est également ministre de la recherche scientifique pour la FWB.
« La Wallonie et Bruxelles ont d’importants projets scientifiques et technologiques notamment dans le domaine des sciences de la vie. » A titre d’illustration, il cite l’accord d’un milliard de dollars conclu mi-mars avec le britannique Astra Zeneca pour racheter EsoBiotec de Mont-Saint-Guibert, l’entreprise wallonne spécialisée dans le traitement du cancer par thérapie cellulaire, et sa plateforme in vivo ENaBL. En politique, il faut faire des choix.
« Ils peuvent varier en Wallonie et en Flandre. Finalement, nous n’héritons pas de la même situation. La ligne de départ est différente, chacun a ses atouts. Outre la biotechnologie, la Wallonie possède une industrie de défense solide. Nous devons viser cet objectif, maximiser ce qui fonctionne bien. En même temps, il faut rester attentif aux technologies émergentes comme l’IA car elles auront un impact considérable sur notre société de services. »
La mission consiste donc à être compétitif au niveau international, avec de la qualité. « Nous devons déterminer nos points forts et les exploiter au maximum. C’est d’ailleurs aussi un défi européen. »
Ne rien gaspiller
« Aujourd’hui, on ne peut plus rien gaspiller. » Adrien Dolimont insiste sur l’importance de récupérer les matières premières et de les recycler. Prenons les avions. Sabena Engineering, Sabena Aerospace Technologies, Sabca, Comet Sambre et Comet Traitements ont formé un consortium en 2022 pour démanteler les avions en fin de vie et valoriser les matériaux de manière rentable. Cette décision n’a pas été prise du jour au lendemain car des mesures d’accompagnement sont en place depuis un certain temps.

Le projet de recherche Planum, lancé sous l’égide du ministre Willy Borsus, s’étend de 2022 à 2026 et est doté d’un budget de 15 millions d’euros. Les participants sont Sabena Aerospace Technologies, Comet, Citius Engineering, UCLouvain (iMMC/IMAP, IMCN, ICTEAM), ULiège (GeMMe), Sirris, Materia Nova, Wallonia Aerotraining Network. Un hangar Q-ZEN (quasi zéro énergie) sera construit à la limite sud de l’aéroport de Charleroi pour l’activité de démantèlement. Le gouvernement wallon a débloqué une enveloppe de 38,9 millions d’euros. L’Europe prévoit des subsides. Le consortium privé est actuellement composé de Sabena Engineering et COMET. La mise en service devrait débuter en 2026.
« Des recherches ont également lieu dans le domaine de la construction des routes. » Pas seulement pour le réemploi des matériaux. « Les réglementations utiles ne suivent pas toujours. » D’autres priorités ? « Il y a le télescope Einstein qui mesurera les ondes gravitationnelles. Nous faisons du lobbying à l’échelle belge pour le construire chez nous. » La Belgique est en lice avec l’Italie. « J’ai l’impression que nous sommes technologiquement plus forts. J’espère que nous y parviendrons. La majeure partie du projet aura alors lieu en Wallonie. Cela devrait changer la donne dans le secteur. »
« Nous pouvons aussi offrir une grande valeur ajoutée dans le secteur aérospatial. » La Wallonie s’est engagée à avoir son propre astronaute wallon. Le Namurois Raphaël Liégeois sera autorisé à embarquer à bord de l’ISS avec l’ESA pendant six mois à partir d’octobre 2026. Cela coûte cher ? Adrien Dolimont sourit en guise de réponse. Un amortissement est prévu. « C’est stratégique, aujourd’hui plus qu’avant. Nous sommes trop dépendants des Etats-Unis. Nous devons prendre les choses en main. Les prochaines années ne seront pas de tout repos. »
Lorsque nous abordons les technologies à double usage, Adrian Dolimont hausse les épaules. « Ces technologies peuvent être appliquées partout. Avec les développements géopolitiques actuels, c’est moins sujet à débat. La guerre est à nos portes, ne soyons pas naïfs. Nous menons des recherches en matière de défense. Le principe fondamental de la défense est la dissuasion. En d’autres termes, il faut être suffisamment fort pour dissuader les autres. »