Discrimination fondée sur l’âge chez les ingénieurs reste un problème persistant

Malgré la pénurie d’ingénieurs sur le marché du travail et la demande croissante de talents techniquement qualifiés, les ingénieurs plus âgés à la recherche d’un emploi restent plus longtemps sans travail. Ce phénomène est paradoxale.

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( Photo: gorodenkoff - 123RF )

ENGINEERINGNET.BE - Nancy Vercammen, directrice générale de l’association d’ingénieurs ie-net, confirme le problème. Selon elle, cette situation est en partie alimentée par les préjugés chez les employeurs.

Chez les ingénieurs plus âgés, elle constate un manque de formation continue et une demande de soutien pour se réorienter sur le marché du travail.

Les chiffres du VDAB et d’ie-net de janvier 2024 montrent qu’il y avait 1.241 postes vacants pour les ingénieurs, alors que 1.750 ingénieurs en recherche d’emploi étaient inscrits. En d’autres termes, seul 1,2 ingénieur en recherche d’emploi était disponible par poste vacant.

Les chiffrent montrent que le chômage parmi les ingénieurs augmente avec l’âge. En janvier 2024, 19,7% des ingénieurs en recherche d’emploi avaient moins de 30 ans. Pour les ingénieurs âgés entre 30 et 49 ans, ce chiffre était de 37%, et 40% pour les ingénieurs âgés de plus de 50 ans. Deux tiers des ingénieurs en recherche d’emploi de plus de 50 ans sont des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire depuis plus de deux ans. 

« Les ingénieurs plus âgés, en particulier, ont du mal à réintégrer le marché du travail. L’une des raisons est l’évolution de la technologie. Ceux qui ne se recyclent pas suffisamment au cours de leur carrière ou qui sont temporairement inactifs risquent de perdre leur employabilité.

En outre, il y a les facteurs personnels et économiques : les ingénieurs plus âgés ayant une longue carrière sont parfois moins motivés financièrement à postuler immédiatement, surtout s’ils ont bénéficié d’arrangements de sortie favorables. Ils ne devraient pas perdre de temps dans la recherche d’un nouvel emploi pour s’adapter rapidement, via l’orientation et la formation, pour augmenter leur employabilité », conseille Nancy  Vercammen.

« La formation continue est essentielle pour que les ingénieurs plus âgés puissent maintenir le lien avec le marché du travail » - Nancy Vercammen, ie-net  (foto: Bea Borgers)

Formation continue et encadrement
« La formation continue est essentielle pour que les ingénieurs plus âgés puissent maintenir le lien avec le marché du travail », poursuit-elle. « Les développements technologiques comme l’intelligence artificielle et l’automatisation, l’exigent également. Cependant, de nombreux ingénieurs ne sont pas formés dans ces domaines. »

Les ingénieurs plus âgés semblent aussi avoir du mal à ‘se vendre’ lorsqu’ils postulent. « Leurs CV sont souvent trop longs et ne vont pas droit au but, tandis que leurs compétences sont souvent insuffisamment développées.

Cela augmente le risque de se retrouver en deuxième choix lors des procédures de sélection. Il est important que les ingénieurs à la recherche d’un emploi découvrent que les compétences acquises peuvent être utilisées dans des emplois qui, souvent, ne figurent pas en tête de liste de leurs préoccupations.

Si la recherche d’un emploi est difficile, il ne faut pas rester les bras croisés mais chercher de l’aide, un encadrement ciblé et un soutien lors des sollicitations. »

Nancy Vercammen souligne l’urgence et la nécessité d’un changement de mentalité chez les employeurs. « Ils ignorent souvent les candidats plus âgés malgré leur  expérience et expertise. C’est souvent dû à des préjugés : les travailleurs plus âgés seraient moins flexibles, moins enclins à adopter les nouvelles technologies et les exigences salariales sont plus élevées.

Dans le même temps, les avantages des ingénieurs plus âgés sont ignorés, à savoir une grande loyauté envers l’employeur et une moindre propension à changer d’emploi. Ce peut être un atout pour les entreprises », souligne la directrice générale.

Recommandations  
La lutte contre la discrimination fondée sur l’âge et l’activation des demandeurs d’emploi plus âgés nécessitent des mesures. « Le gouvernement et le monde des affaires doivent travailler ensemble pour guider plus rapidement les ingénieurs vers un emploi approprié.

Pour les ingénieurs, il n’est pas toujours possible de financer eux-mêmes leur formation.

C’est pourquoi nous plaidons en faveur de davantage de crédits et de chèques de formation pour leur donner plus de moyens de rester à jour. Il faut bien sûr stimuler financièrement les entreprises pour faciliter la reconversion des ingénieurs plus âgés. » 

Et pourquoi ne pas envisager un poste d’enseignant, se demande Nancy Vercammen. « L’expertise serait préservée et ils pourraient inspirer les jeunes générations d’ingénieurs. »

Témoignage de Ludwig Prinsen 
Ludwig Prinsen (61) est un ingénieur expérimenté, à la carrière impressionnante et au large éventail de spécialisations. Son cv comprend des diplômes et des certificats en électromécanique, technologie des plastiques, TIC & Technologie, management, vente, marketing et business development. Pourtant, il éprouve des difficultés à trouver un nouvel emploi.

« Continuez à croire en vous, votre expérience et vos connaissances sont précieuses. Ne vous laissez pas décourager par les refus »  - Ludwig Prinsen

Ludwig a démarré sa carrière en 1987 et acquis au fil des ans de l’expertise en R&D, CAEengineering, Business Process Management, applications et systèmes TIC, digitalisation et business development. Sa dernière fonction comme Business Developer auprès d’un organisme de recherche l’a mis en contact avec des projets innovants sur l’IA, les systèmes TIC et embarqués, la fabrication additive et la durabilité.

Après deux ans, son contrat temporaire à temps plein a expiré. Malgré son expertise avérée et son réseau, il n’y a pas eu de de prolongation. « Les connaissances ont été suffisamment transmises, mais comme mon ancienneté du secteur privé était prise en compte dans la rémunération, le budget pour me garder était trop important, mais cela n’a pas été dit formellement »,  déclare Ludwig Prinsen.

Des préjugés erronés
L’expérience de Ludwig n’est pas une exception. « Les employeurs se focalisent sur les candidats âgés entre 30 et 40 ans. Après les récentes faillites et les licenciements, ce groupe de demandeurs d’emploi a augmenté. Il est donc plus difficile pour les 55+ et certainement les 60+ de trouver un nouvel emploi », explique-t-il en se basant sur son expérience.

Selon lui, plusieurs facteurs jouent un rôle : « Outre les perspectives économiques négatives, il y a un certain fossé générationnel en matière d’embauche. Les jeunes recruteurs ont souvent du mal à évaluer correctement la valeur des ingénieurs plus âgés. Le fait de leur donner les moyens de s’appuyer sur des recruteurs ayant plus d’expérience professionnelle les aide. » 

Selon lui, certains employeurs sont guidés par des préjugés tenaces : « Il y a cette perception selon laquelle les travailleurs plus âgés ont plus de mal à suivre les dernières technologies, qu’ils sont plus souvent malades et moins flexibles au travail, et offrent donc un retour sur investissement (ROI) plus faible. »

Ludwig Prinsen réfute ces stéréotypes en s’appuyant sur son expérience. « En tant que travailleur plus âgé, je n’ai plus d’enfants à la maison et je peux être plus flexible qu’un collègue plus jeune. Je n’ai pas l’intention de changer de travail. L’investissement dans mon recrutement est plus durable. En tant qu’ingénieur, la technologie est ma passion, je suis donc aussi désireux d’apprendre et de suivre les nouvelles technologies que mes jeunes collègues.  »