Le recyclage des éoliennes n’en est encore qu’à ses débuts

Selon les prévisions, le nombre d’éoliennes en fin de vie ne cessera de croître ces prochaines années. Si la plupart des matériaux qui les composent sont aisément recyclés, les pales posent un problème plus complexe.

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( Photo: iStock )

ENGINEERINGNET.BE - L’année passée, des photos d’un centre d’enfouissement au Wyoming ont fait fureur sur les réseaux sociaux. Elles montraient l’enfouissement de pales d’éoliennes démantelées.

D’après Euronews, cela se passe également dans certains pays européens. Des initiatives sont cependant mises en œuvre en divers endroits pour leur donner un caractère plus durable.

Suppression des dates de mise hors service 
Au début, les éoliennes étaient conçues et autorisées pour une période opérationnelle de 20 ans. « La période a ensuite été allongée à 30 ans. En Flandre, les permis ne mentionnent même plus de date de fin de service. En pratique, cette période est très variable », précise Chris Derde, directeur de Fortech, exploitant d’éoliennes au pays de Waes.

« Aux Pays-Bas, alors que certaines éoliennes sont en service depuis une trentaine d’années, il y en a d’autres qui sont déjà remplacées après moins de vingt ans, du fait de la commercialisation de modèles plus performants, qui exploitent plus efficacement la variabilité des vents. Les procédures d’autorisation à cet effet durent plusieurs années. »

Chris Derde : « Il existe certainement des marchés, y compris en Europe, où d’anciennes éoliennes peuvent, après révision, être avantageusement remises en service. » (Photo Fortech)

Nouvelle législation dans les tiroirs 
D’après Chris Derde, les possibilités de réutilisation des éoliennes démantelées sur un autre site sont limitées. « Il existe certainement des marchés, y compris en Europe, où d’anciennes éoliennes peuvent, après révision, être avantageusement remises en service. Cela dépend de la réglementation locale, de la capacité du réseau et du prix de l’électricité. »

Il anticipe une vague de renouvellement d’éoliennes ces prochaines années. « L’offre d’éoliennes d’occasion est largement supérieure à la demande. Un grand nombre d’éoliennes seront mises au rebut et recyclées dans la mesure du possible. Le secteur déploie beaucoup d’efforts pour encourager le recyclage des matériaux qui composent les pales.

L’organisme de coordination européen du secteur éolien milite pour une interdiction européenne – si pas mondiale – de la mise au rebut des pales. Une telle législation ajoute une pression supplémentaire sur la filière, l’incitant à prendre en compte la circularité dès la phase de conception des pales. »

Ostende se profile 
Le port d’Ostende se profile activement en tant que port de service pour les parcs éolien en mer du Nord. « Les premières éoliennes offshore belges fonctionnent depuis 10 ans », précise Dirk Declerck, directeur général du port d’Ostende.

« Mais cela fait déjà deux ans que nous étudions les aspects de leur remplacement, qui peut avoir lieu avant leur 20e année de service. Les plus vieilles éoliennes ont une puissance de 3 MW, celles installées aujourd’hui fournissent typiquement 8,5 MW et les futurs modèles avoisineront 12 MW ou plus. » Le port d’Ostende construira début 2023 un hangar pour le stockage et les éventuelles réparations. Il devrait entrer en service la même année. 

« Aujourd’hui, la côte belge compte 399 éoliennes, soit environ 1 200 pales. Un petit nombre d’entre elles ont été acheminées vers Ostende pour effectuer diverses réparations. » Parallèlement, on compte sur le sol flamand environ 600 éoliennes terrestres et il est prévu, à l’horizon 2026, d’ajouter un parc éolien offshore au large de La Panne.

Linde Devriese: « Il serait utile que les fabricants de pales fournissent plus d’informations sur la composition exacte de leurs produits. » (Photo Ine Dehandschutter/Sirris)

Développer une offre complète 
Declerck pense qu’un marché de l’occasion pour les éoliennes offshore belges démantelées de moins de 20 ans peut se développer dans le sud de l’Europe. « Cependant, nous anticipons que la demande en produits de recyclage devrait augmenter. Notre port est une des forces motrices derrière le projet de recyclage Decom.

En tant que port historiquement impliqué dans le recyclage des métaux non-ferreux, nous voulons développer ici une offre de recyclage complète, non seulement pour les pales et les mâts, mais également pour les câbles et boîtes de transmission. » L’implication du port d’Ostende n’est pas un hasard. « Une chaîne de valeur circulaire durable se doit de fonctionner le plus possible au niveau local.

Sirris a déjà organisé des ateliers à ce sujet. De nombreuses PME, ainsi que de plus gros acteurs comme Jan De Nul, ont manifesté leur intérêt à participer. Nous voulons établir dès cet automne un trajet approprié pour ces collaborations », explique Linde De Vriese, cheffe d’équipe Composites chez Sirris, l’organisation sans but lucratif qui accompagne des entreprises dans leurs développements économiques et techniques en la matière.

Mobilier urbain et cimenteries 
Aujourd’hui, environ 85 à 90% des matériaux qui composent les éoliennes sont recyclables. C’est surtout pour les pales que des problèmes persistent. Les pales sont composées de fibres de verre (ou fibres de carbone pour certaines) et de plastique. Pour récupérer les fibres de verre, on peut brûler le plastique qui lie les fibres entre elles.

Pour l’instant, le matériau composite incinéré est principalement utilisé comme additif dans le ciment. Diverses techniques existent pour recycler également les longues fibres de verre combinées aux résines synthétiques des pales. Le défi est de rendre ce recyclage rentable. Des initiatives existent déjà à différents endroits en Europe, mais leurs promoteurs ne communiquent pas volontiers sur leur état d’avancement.

C’est notamment le cas du Centre Terre et Pierre (CTP) en Wallonie, qui bénéficie d’une subvention de 325.000 euros des autorités wallonnes pour sa participation au projet Recypale, auquel participe aussi le consortium d’entreprises Dufour (qui installe également des éoliennes).

Le CTP annonce avoir mis au point un procédé permettant de récupérer 70 à 80% des fibres de verre des pales pour les réutiliser dans des applications à haute valeur ajoutée. Le CTP a également développé une méthode qui réduit fortement la consommation d’énergie pour l’intégration des composites pulvérisés et des restes de fibres déchiquetées dans le ciment.

Le transport des pales démantelées sur le réseau routier demeure un défi. Leur découpe préalable limiterait leur potentiel de réutilisation car les fibres de verre se verraient raccourcies.

Dirk Declerck: « Nous voulons développer une offre de recyclage complète, non seulement pour les pales et les mâts, mais également pour les câbles et les boîtes de transmission. » (Photo Autorité portuaire d’Ostende)

Transition vers les matériaux thermoplastiques 
« Les pales d’éoliennes sont généralement fabriquées en fibres de verre combinés avec des résines thermodurcissables, comme les résines époxy et polyester », explique De Vriese.

« Ce composite est créé par un processus de polymérisation irréversible du plastique. Cela signifie qu'ils ne peuvent essentiellement pas être recyclés en matériaux ayant la même fonctionnalité technique. Il faut alors trouver d’autres produits et applications pour les différentes fractions recyclées. Des méthodes à la fois mécaniques, thermiques et chimiques peuvent entrer en jeu. »

Les résines dites thermoplastiques constituent une alternative. « Leur procédé de production est réversible. C’est pourquoi leur marché est en croissance continue depuis quelques années. Cependant, leur transformation nécessite des procédés thermiques, ce qui constitue un énorme défi, à la fois technique et économique, pour des pièces aussi volumineuses. »

Plateforme 
Sirris collabore avec la KU Leuven pour soutenir la transition vers des composites thermoplastiques, notamment via un récent investissement dans une presse hydraulique. Sirris partage également des équipements de transformation des composites thermoplastiques avec plusieurs entreprises. « Nous avons développé aussi une plateforme réunissant les entreprises intéressées par le modèle circulaire.

Cette collaboration peut prendre la forme d’ateliers et réseaux d’apprentissage, de formations ou d’investissements collectifs dans les technologies de transformation. » Il y a en outre des projets de recherche sur les biocomposites, la pultrusion des composites thermoplastiques et les technologies laser inductives. D’autres pays ont leurs propres projets d’évaluation des solutions thermoplastiques.

Création d’une chaîne de valeur 
« Pour profiter pleinement des avantages des composites dans une économie durable, il est nécessaire d’adopter une approche circulaire. Les composites peuvent alors être transformés, via de nouveaux procédés, en matériaux à plus haute valeur ajoutée que le ciment, comme les panneaux et profilés d’extrusion pour le secteur du bâtiment et de l’ameublement.

Cela nécessite la création d’une chaîne de valeur, incluant le transport des pales, l’utilisation des matériaux et produits de récupération et la gestion des déchets résiduels. Pour y arriver, le regroupement des différentes activités semble un choix logique. Il serait également utile que les fabricants de pales fournissent plus d’informations sur la composition exacte de leurs produits, notamment la composition des composites ainsi que la taille et la direction des fibres. Ce type d’information permet aux transformateurs de choisir les outils et techniques appropriés, déjà disponibles sur le marché », conclut Devriese.